L’un d’entre eux a la colonne vertébrale qui se bétonne progressivement, l’autre a viré sa mère abusive de sa vie avec perte et fracas, le troisième est un baiseur compulsif, le quatrième a un penchant incontrôlé pour la violence. A eux quatre, ils vont former le combo de glam métal le plus populaire au monde et laisser derrière eux neuf albums ainsi qu’une trace indélébile dans l’histoire du rock, tracée à grands coups de came, de beuveries, de conneries et d’orgies en tous genres. J’ai nommé … Mötley Crüe !
A partir de 1981, Nikki Six, Mick Mars, Tommy Lee et Vince Neil vont exploser les charts et les salles de concert jusqu’en 2015, année où le quatuor décide de raccrocher les crampons, bien heureux d’avoir survécu à ce pandémonium que fut leur carrière. Car entre les overdoses, l’addiction à l’alcool, les destructions de chambre d’hôtel, les nanas en série, l’épuisement de tournées pharaoniques entrecoupées de séjours en studio condamnés à la créativité sous psychotropes, bref les multiples débauches auxquelles ils s’adonnèrent sans vergogne et même avec une évidente délectation, ainsi que les tragédies qui les frappèrent sans qu’ils demandent quoi que ce soit, nos quatre loulous ont bien failli y rester.
On peut même l’affirmer sans trop se risquer : c’est un miracle qu’ils soient encore de ce monde … Mais once a rocker, always a rocker ! Ces machins-là, ça ne quitte pas le devant de la scène très longtemps. Après une première réunion en 2007, ils se retrouvent de nouveau en 2018, et remettent le couvert en matière de compos et d’enregistrements, marquant leur retour aux affaires avec la sortie d’un biopic inspiré de leur autobiographie The Dirt : Confessions of the world’s most notorios rock band. Et il faut bien l’avouer : réalisé par Jeff Tremaine (qui a quant à lui survécu aux nombreuses éditions de Jackass, un véritable exploit), le film The Dirt diffusé par Netflix sait traduire l’esprit complètement déjanté de cette saga rock ultime.
Avec un petit côté BD doublé d’une touche de Wayne’s world, le scénario reprend les grandes étapes de cette grandiose course à l’abîme, qui marque la fin de l’ère des stars du rock telles que décrites dans Rock’n’roll animals. Pas pour rien que le personnage du manager avoue avec un brin d’agacement et de fatalité n’avoir jamais autant subi qu’avec Mötley Crüe. Car les quatre potes avaient de la suite dans les idées quand il fallait déconner à fond et considérablement s’auto-détruire au passage. Tonton Ozzy Osbourne les avait pourtant prévenus avant de lécher la pisse qu’il venait d’uriner devant la piscine d’un hôtel de luxe : la vie de rocker, ça use, inexorablement ; ça rend dingue !
C’est cette démence à l’œuvre que déroule le réalisateur pendant 120 minutes ultra-accrocheuses, qui nous plongent dans LA aux grandes heures 80’s de MTV et des shows transformés en parades de cirque. Là aussi les Mötley Crüe ont su marquer les esprits, dont on redécouvre les hits, la musique agressive et chamarrée, taillée sur pièce pour le spectaculaire, avec comme point d’orgue un Tommy Lee torturant sa batterie la tête en bas, accroché dans un cube en métal tournoyant au dessus de la scène, dans un déluge de feux de Bengale. Le film rend hommage à ce moment d’anthologie, comme à d’autres souvenirs crados, dingos, tendres, soufflés par les quatre larrons qui ont produit cette version imagée de leurs débilités, de leurs souffrances et de leurs rédemptions.
Le tout servi avec charisme, humour et émotion par Douglas Booth, Iwan Rheon, Daniel Webber et Machine Gun Kelly qui très franchement font honneur à leurs modèles, restituant la fatalité de leur déconance, ce côté drôle, absurde et tragique à la fois qui fait l’essence même des idoles du rock. Le tout se regarde avec plaisir, écœurement, pitié … et parfois de folles crises de rires, de jubilation absolue. Le retour à la vie de Nikki Six dans l’ambulance l’emmenant vers le néant vaut à lui seul le visionnage de The Dirt … et souligne avec force cette incohérence ancrée profondément dans la notion de rock star : la gloire n’est rien sans l’excès, et elle a intérêt à être aussi baroque que dégueulasse !
Et plus si affinités