Et il importe de le rappeler dans un monde voué au dieu Fric. En insistant bien car les cas de surdité sont nombreux. Et pour faire passer le message, rien de mieux qu’un film fable qui mêle comique, cynisme et émotion : drivé par Benoit Delepine et Gustave Kervern, I Feel good nous remet la tête sur les épaules sans jamais se montrer moraliste. Et franchement ça fait du bien.
Au cœur de cet apologue, Jacques, incarnation parfaite du serial entrepreneur/ total looseur. Aussi fauché qu’avide, il rêve de la grande idée qui le rendre riche. Très riche. Aussi riche qu’un Bill Gates ou un Mark Zuckerberg dont il compulse frénétiquement les biographies, en quête du déclic. En attendant, il se fait virer de partout, vend sa bagnole par petits morceaux pour survivre … et trouve refuge auprès de sa sœur Monique.
Son antithèse. Les pieds sur terre, en charge d’un village Emmaüs où elle recolle meubles et humains flingués par la vie. Héritière des valeurs de gauche de leurs parents. Et qui va un temps se faire avoir par le nouveau délire de ce frangin fin manipulateur et escroc dans l’âme, qui décide de proposer de la chirurgie esthétique low-cost pour les pauvres. Pour qu’ils deviennent beaux et puissent ensuite augmenter leurs chances de trouver un job et de devenir eux aussi aisés.
Et Jacques, interprété par un Jean Dujardin au mieux de sa forme et particulièrement taillé pour endosser ce rôle de dingo existentiel, d’entraîner dans son sillage une dizaine de prétendants à la transformation magique, jusqu’au fin fond de la Bulgarie, sur les cendres du rêve communiste. Bien sûr la chute, inattendue, renversera les valeurs, nous rappelant avec pertinence et tendresse que l’argent, la beauté ne remplaceront jamais l’amitié et le soutien, la chaleur humaine.
Simpliste ? Ou vital dans le monde de fous qui nous emporte dans sa démence ? Le personnage de Monique, très inspirée Yolande Moreau, en basculant dans les desiderata de son frère, démontre avec quelle facilité on peut persuader les plus convaincus pour peu qu’on titille la corde de l’émotion. Mais comme un garde-fou, les deux réalisateurs choisissent de tourner dans le village Emmaüs de Lescar Pau dans les Pyrénées Atlantiques, sorte de cité utopique pas si utopique que ça puisqu’elle existe depuis 1998, se développant progressivement mais avec constance et inventivité.
Et le film de s’inspirer de ces valeurs, de nous les rappeler via cet exemplum moderne qui finit sur un pied de nez particulièrement salvateur, au son ravageur des compos de Mouss et Hakim, tout justes échappés de Zebda. A voir donc parce que c’est drôle, bien interprété, poignant, plein de tendresse, de douceur et de couleur, surtout parce que c’est sain, et on a grand besoin de ce bol d’oxygène pour échapper un instant à l’air frelaté qu’on nous fait actuellement respirer.
Et plus si affinités