S’il y a un film à retenir concernant l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, c’est celui-ci. Avec JFK, Oliver Stone livre plus qu’un chef-d’œuvre narratif et cinématographique. En un long métrage coup de poing, il rend compte de l’onde de choc propre à ce séisme historique, et cela, par-delà les années et les frontières. Objectif : créer un contre-mythe, quitte à faire polémique. Une polémique désormais indéracinable.
Assassinat ou exécution ?
Vrai ou pas ? C’est en gros le choix qui se pose quand on visionne les trois heures de récit oppressant déroulé par un Oliver Stone galvanisé. Au coeur de JFK, l’enquête menée par le procureur Jim Garrisson pour mettre en évidence le complot à l’œuvre derrière l’assassinat du 35e président des États-Unis le 22 novembre 1963, enquête relatée par le menu dans l’ouvrage On the Trail of the Assassins paru en 1988. Il en a à peine terminé la lecture que Stone en achète les droits, sur ses propres deniers, c’est dite l’importance que revêt ce livre à ses yeux. Car ces pages font exploser en vol les conclusions de la sacro-sainte commission Warren en charge de l’enquête sur la mort de Kennedy.
Si l’on en croit les investigations menées par Garrisson, JFK n’a pas été tué par un Lee Harvey Oswald solitaire et désaxé. S’appuyant sur une kyrielle de témoignages et d’expertises, Garrisson met en évidence une véritable exécution accomplie par plusieurs tueurs, minutée, programmée dans l’ombre par de hautes instances désireuses de se débarrasser d’un président bien encombrant à la veille d’un conflit vietnamien dans lequel il refuse de se laisser engluer. Fantaisiste pour ne pas dire complotiste ? Aucune réponse, sinon un sentiment de doute qui saisit progressivement le spectateur au fil des séquences.
Une esthétique à la Costa Gavras
S’appuyant par ailleurs sur l’enquête Crossfire: The Plot That Killed Kennedy, Stone fournit sa propre version des faits, avec une esthétique qui évoque les films politiques de Costa-Gavras (l’acronyme JFK est une référence à l’emblématique Z). Réalisation syncopée, montage épileptique, alternances d’images frisant le subliminal où se glissent des archives d’époque, Stone est appuyé dans sa démarche par un casting saisi aux tripes par le sujet, incluant des grands noms jusque dans les petits rôles (Kevin Costner, Tommy Lee Jones, Gary Oldman, Kevin Bacon, Sissy Spacek, Joe Pesci, Jack Lemmon, Walter Matthau, Donald Sutherland, John Candy…) sans compter le passage éclair de certains protagonistes dont Garrisson qui interprète… Earl Warren. Ironique revanche ?
En explorant l’envers du décor, le film JFK n’apporte aucune réponse claire, il est juste là pour semer le doute et il y parvient parfaitement. Le but est de bousculer une version officielle qui flirte avec le foutage de gueule, en tout cas qui manque singulièrement de fond. Incohérences flagrantes, pistes non explorées, même s’il n’y a pas eu complot d’état, il est évident que ce qui s’est joué le 22 novembre 2023 dépasse le cadre d’une action en solitaire menée par un esprit malade. Saura-t-on vraiment le fin mot de l’histoire ? Cela reste à voir. Ce qui est sûr, c’est que JFK en dynamitant les certitudes, participe de l’élaboration d’un contre-mythe : celui, avéré, d’une Amérique ultraviolente, corrompue, intolérante, versée dans le secret et la manipulation.
Avec JFK, Stone a élargi une brèche, constitué un socle fort de présomption qui aujourd’hui encore, fait débat, ancrant dans les esprits la conviction du mensonge et de la manipulation. Du déni de justice. En autopsiant cet épisode tragique de l’histoire des USA, Stone donne à percevoir un manque, une absence, pire, un mépris. Et c’est justement dans ce mépris que prennent ancrage les pires dérives complotistes.
Et plus si affinités