1951 : « Dedel t’es ringarde » devez-vous penser, chers lecteurs de mon cœur.
Certes le film de Guy Lefranc n’est pas de la toute première jeunesse, loin s’en faut. N/B, image qui sautille, grain de la pellicule, … film d’après-guerre qui relate la manière dont un prétendu médecin va s’emparer d’une ville de province pour la transformer en gigantesque hôpital et y monter un business plus que juteux, en toute bonne conscience.
Ringard … Et pourtant c’est oublier plusieurs points essentiels qui font de ce film un incontournable :
– c’est une adaptation de la pièce de Jules Romains. Un texte redoutable qui démonte de façon impitoyable les mécanismes de l’addiction et nous expose point par point comment on aveugle un groupe pour l’amener à faire à peu près tout ce qu’on veut. Une docilité d’autant plus incroyable que lorsque le personnage principal arrive dans cette bourgade de province, personne n’est malade et le cabinet de son prédécesseur en faillite. Trois mois suffiront pour faire de l’endroit une annexe des cures de Dax.
– certaines situations sont vraiment décalées ainsi le passage où Knock rend visite à l’instituteur de l’endroit pour le terroriser à la perspective des millions de microbes qui l’entourent. Absurde, un cran en dessous d’Ubu Roi mais à peine … on ne peut qu’en rire ou en trembler c’est selon.
– Knock est interprété par un Louis Jouvet effrayant de logique dans sa démarche de conquête. On se souvient en règle générale du fameux « ça vous chatouille ou ça vous gratouille ? » lancé d’un ton impérieux. Vraiment réducteur quand on voit le regard, la démarche, l’allure, la gestuelle. Ce n’est pas pour rien que l’acteur a créé le répertoire de Giraudoux sur scène ni intégré le Cartel en son temps.
– ce film est typique des productions de l’époque : kyrielle d’excellents acteurs dans les seconds rôles dont Pierre Renoir et un tout jeune Louis de Funes, diction irréprochable, jeu impeccable … Les grandes heures d’un cinéma rigoureux et très professionnel.
Bref que des bonnes raisons pour découvrir/redécouvrir cette petite perle dont le discours n’a malheureusement pas pris une ride et qui explique en quelques situations cocasses comment on peut berner tout un peuple et le mener à sa fantaisie, parfois même jusqu’à l’abattoir.