Des amis qu’on cherche à contacter, l’écoute des médias en boucle, la tension qui monte, l’inquiétude pour des proches, la nouvelle d’une connaissance blessée ou décédée, nous avons tous un souvenir spécifique de cette nuit du 13 novembre, un souvenir forcément tragique, rattaché à une émotion forte, un vécu négatif. Un moment de ténèbres. Difficile de ne pas s’enliser dans ses sentiments les plus sombres quand on évoque ces attentats, quand on tente d’en raconter le cours. C’est ce piège que Cédric Jimenez devait éviter à tout prix en réalisant Novembre. Et il y parvient avec brio. Jusqu’au malaise.
Le quotidien de la SDAT
Car ne vous leurrez pas, vous risquez fort de ressentir une angoisse croissante en visionnant ces 100 minutes en mode urgence absolue. Un contre-la-montre où le récit des attentats proprement dits, anecdotique, ne prend que quelques instants. Le réalisateur de Bac Nord ne voulait pas en parler, jugeant toute restitution impossible car obscène ; il ne voulait pas non plus évoquer le sort des victimes, un sujet beaucoup trop délicat. Finalement c’est le côté investigation qui va le séduire dans le scénario d’Olivier Demangel. Novembre va donc se concentrer sur la traque des terroristes, avec en ligne de mire le quotidien de la SDAT, la sous-direction anti-terroriste.
Coller au calendrier
Un quotidien déjà très énergique, ici complètement bouleversé par l’ampleur des attaques, l’urgence de neutraliser des tueurs fanatiques perdus dans la nature et bien décidés à recommencer au plus vite. Collant au calendrier des événements, Jimenez filme la fébrilité d’enquêteurs poussés au bout de leurs forces, soumis à un stress incroyable, acculés à l’obligation de réussir. Coordination entre les équipes, suivi administratif, observation des réseaux sociaux, arrestations et interrogations express de possibles complices, recherche de témoignages, la tâche est énorme et rude. Coupés de leurs familles, plongés en apnée dans un marathon délirant, ces policiers de l’impossible n’ont pas d’autre choix que de réussir.
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Un côté documentaire saisissant
Tous ces personnages sont inventés, protection oblige : les membres de l’anti-terrorisme sont toujours menacés, on ne peut donc citer personne. Les protagonistes ont néanmoins été façonnés d’après un travail de documentation poussé qui donne au film de Jimenez un côté documentaire saisissant. Jean Dujardin, Sandrine Kiberlain, Jérémie Rénier, Anaïs Demoustier, voici quelques-uns des acteurs composant l’affiche de ce film choral où personne ne s’impose comme leader. Parce que c’est aussi un travail d’équipe qui est décrit, avec ses forces, ses faiblesses, ses erreurs, ses victoires. Et ses obligations, notamment laisser ses émotions et son égo au vestiaire tout en respectant scrupuleusement les procédures.
De l’importance de l’équilibre
Le tout, particulièrement factuel, s’avère captivant, même s’il se regarde sans aucun plaisir. Car les coulisses de cette battue où les enquêteurs doivent demeurer dans l’ombre pour arriver à stopper d’insalissables fantômes en dit long sur la menace terroriste, la difficulté du combat à mener, un combat de chaque instant, qui nécessite de demeurer en équilibre, de rester focus, vigilant et en accord avec les principes démocratiques, les valeurs républicaines. Ne céder ni à la colère ni à la fatigue, ne pas tenter de faire justice soi-même, constamment faire corps, agir froidement, agir vite. C’est un réel enjeu pour contrer l’horreur et la folie, et le film de Jimenez le montre sans ambiguïté.
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