Ma part du gâteau, c’est l’histoire de France. France, la quarantaine fatiguée, divorcée, mère, licenciée d’une usine dunkerquoise sauvagement dégraissée par des investisseurs vampires… Rescapée d’un suicide aux allures de SOS social, la donzelle reprend du poil de la bête et part à Paris en quête d’un job pour nourrir sa couvée. C’est ainsi qu’elle croise la route de Steve, golden boy sans scrupules dont elle devient la femme de ménage, et plus si affinités ?
Faire capoter le conte de fée
Se jouant d’un romantisme hérité de Cendrillon, Pretty Woman et autres conneries à la guimauve, Cédric Klapisch va bien entendu faire capoter le conte de fée qu’on aimerait tant voir naître entre ces deux personnages si opposés. Elle, bonne fille, gentille, protectrice, pleine de bon sens, prête à épauler ce véritable vaurien sans foi ni loi, aveuglé par l’argent, égoïste, hypocrite. Karin Viard face à Gilles Lellouche : il fallait ces deux caractères bien trempés pour étoffer des protagonistes qui ne pourront jamais se rejoindre, car issus de deux espèces différentes, la seconde dévorant la première, jusqu’à ce que celle-ci réagisse.
Et la riposte sera à la hauteur des brimades subies, histoire de claquer le museau à ce sale type mal élevé, imbu de lui-même, aveugle à la détresse d’autrui, parfaite incarnation de sa caste. Mais au final, ce garçon est-il réellement coupable ou la simple émanation d’un comportement banalisé par une classe sociale prétendûment dominante ? Qui ici faut-il blâmer, de ce boursicoteur à l’aise avec ses dérives ou de cette fille qui se laisse piétiner, car elle a besoin de bouffer, de faire manger ses gosses ?
Le persécuté et le persécuteur
Klapisch, en confrontant ces deux figures types de milieux antagonistes, les amènent à évoluer malgré elles, à sortir de leurs systématiques, à se remettre en cause, brutalement au besoin. Tant que le persécuté ne dit pas « non » au persécuteur, pourquoi ce dernier s’arrêterait-il ? Et quand le « non »enfin arrive, c’est avec tellement de violence qu’il entraîne tout dans son sillage. Le film date de 2011, prenant ancrage dans la réalité sordide des fermetures d’usines, des licenciements en masse, du démantèlement du tissu industriel hexagonal, avec en ligne de mire la folie dévoratrice du milieu financier, qui oublie jusqu’à la plus élémentaire humanité.
Pas pour rien qu’on y voit apparaître Xavier Mathieu, figure de proue des Conti, dans un rôle de syndicaliste taillé sur mesure, une présence hautement symbolique. Une décennie après sa sortie, ce film qui constituait une observation autant qu’un constat et un avertissement, est toujours et malheureusement d’actualité, en témoigne le combat de François Ruffin, récompensé d’un César pour Merci patron ! afin de stopper l’avortement de la picarde Whirlpool en terre étrangère. En pleine tourmente sociale, il est essentiel de voir ou revoir Ma part du gâteau : là où sondages et discours sont inopérants parce que saturés, le regard de Klapisch sur la rupture sociale vaut toutes les prises de conscience.
Et plus si affinités