Renfield ? Peut-être le personnage le plus navrant de la littérature fantastique. Le factotum de Dracula, son chien fidèle. Son « assistant ». Un looser :
- rendu dingue par la main mise de ce maître vampire qui le manipule mentalement depuis son château transylvanien ;
- claquemuré dans une cellule d’asile où il dévore les insectes qui ont le malheur de passer à portée de langue, finalement détruit par celui qui lui avait promis la vie éternelle.
En résumé, une pauvre larve qui sert les visées narratives de Bram Stocker afin de démontrer l’emprise de son héros d’outre-tombe aux autres personnages pétris de modernité anglo-saxonne. Au cinéma, ce n’est guère mieux : Renfield est généralement dépeint sur grand écran comme un crétin mal fagotté, complètement débile et crade de surcroît. Jusqu’à ce que Chris McKay s’en mêle.
Renfield super héros
Le réalisateur s’empare du personnage et lui consacre un film complet, porté par un scénar signé Ryan Ridley sur une idée originale de Robert Kirkman. Pour resituer un peu, Kirkman a accouché de la BD The Walking Dead, ce qui vous donne une petite idée du level. L’objectif ? Aborder l’histoire de Dracula du point de vue de ceux qui le connaissent. Et qui mieux que Renfield pour en parler vu que le pauvre gars est connecté H24 avec le nosferatu le plus virulent de la pop culture ? Trop occupé par un planning surchargé, Kirkman a délégué l’écriture du scénario à Kirdman, qui accouche d’une comédie horrifique sanglante et outrancière, orchestrée par un McKay très inspiré par l’univers des comic books et des films fantastiques des années 30.
En une heure trente, nous découvrons donc comment Renfield vit sa relation à son tout-puissant patron… et comment il tente d’y échapper. Et c’est là tout l’intérêt d’un film par ailleurs conçu plus comme un gentil divertissement pour ados que comme une réflexion de fond sur la vie, la mort et autres méandres métaphysiques. Du coup, si vous vous attendez à une adaptation ultra-baroque à la Coppola, vous oubliez de suite. Ici, on donne dans le superhéros avec Renfield qui se transforme en mode Hulk à chaque fois qu’il gobe un cafard. Cette puissance déléguée par Dracula, l’ex-avocat s’en sert pour défendre la veuve et l’orphelin. Forcément, quand Dracula va s’en apercevoir, ça ne va pas forcément bien se passer.
À lire également
- L’ombre du vampire : Max Schreck était-il un nosferatu ?
- Penny Dreadful : la savoureuse démesure du romantisme noir
- The Strain : Guillermo del Toro aux commandes de l’Apocalypse vampirique
Traiter Dracula pour ce qu’il est
D’autant que Renfield est bien décidé à ne plus céder aux manœuvres d’un patron qui manie la carotte et le bâton pour retenir ce valet sans lequel il ne peut pas faire grand-chose, décati comme il est. C’est que les siècles ont passé, et Dracula n’est plus le fringant séducteur, bouffeur de pucelles et prince redouté qu’il était jadis. Difficile de s’adapter au monde moderne sans ce cordon ombilical nommé Renfield qui aimerait bien qu’on lui lâche la grappe. Mais Renfield ne sait pas dire « non ». Il va donc falloir apprendre. Direction les cercles de paroles et les réunions de manipulés anonymes où là aussi, il va falloir s’expliquer sans trop en dire. Et accepter d’être une victime, comprendre les ressorts de la manipulation, développer des parades pour se protéger et sortir enfin de cette emprise séculaire.
Sauf qu’avec Dracula, un mantra ne suffira pas. Renfield va devoir passer en mode action. Actions plus exactement, actions qui une trame bourrée de péripéties assez convenues. L’intérêt du film ?
- Traiter Dracula pour ce qu’il est : une personnalité toxique qui jongle avec les failles émotionnelles de ses victimes, les vide de leur énergie, au propre et au figuré. Un adepte du gaslighting, vaniteux, méprisant, égoïste… Une sale nature, interprétée avec fougue par un Nicolas Cage au mieux de sa forme, qui par son jeu rend hommage à Bela Lugosi comme à Lon Chaney, tout en campant sa propre version du personnage, et franchement ça ne donne pas envie de le côtoyer.
- Positionner Renfield en victime sous emprise, piégée dans ses contradictions ; le bon gars au finish, sympa, persuadé que tout est sa faute, que s’il en est là, c’est parce qu’il est faible, nul, sans envergure. Nicholas Hoult est absolument parfait dans le genre, narrateur plein d’humour et de candeur, qui tente de retrouver un peu de vie sans ce parasite insupportable qui lui colle aux semelles.
Saturé de couleurs, de lumières très travaillées, conçu un peu comme une vignette de manga traversée de speelines, Renfield est plein de détails à scruter, d’allusions, de références. À défaut d’être un chef-d’œuvre, c’est indéniablement un bon divertissement, une lecture originale, un peu barrée, qui devrait plaire à tous.
Et plus si affinités