Belle, élégante, talentueuse, adulée : Simone s’impose dès son premier film comme une actrice d’exception, entièrement dévouée à son art. Seul hic : Simone n’existe pas. Façonnée par un réalisateur en pleine crise de créativité, elle est pure illusion. Voici en quelques mots le pitch du film Simone d’Andrew Niccol. Une fable autant qu’une prédiction.
L’actrice absolue
Lorsqu’il tourne Simone en 2002, Niccol a déjà à son actif la réalisation de Bienvenue à Gattaca et le scénario de The Truman Show. L’illusion est donc un thème de prédilection pour le Néo-Zélandais qui sait mettre en exergue comme personne les problématiques liées à la société du spectacle et de l’image toute-puissante. Ici, tout part d’un pétage de câble : une actrice ultra-célèbre fait un caprice de diva sur un tournage. L’extravagance de trop pour Viktor Taransky, metteur en scène qui a tout sacrifié à sa passion du cinéma.
Congédié par sa productrice et ex-épouse, Taransky se croit fini, quand un ingénieur en informatique rongé par un cancer en phase terminale lui fait un étrange cadeau : un logiciel d’intelligence artificielle capable de créer des avatars d’une perfection totale. Un temps dubitatif, Taransky va finalement utiliser ce programme baptisé Simulation One ou S1m0ne pour façonner Simone, en mélangeant les points forts des grandes actrices de l’histoire du 7eme art : il obtient alors l’actrice absolue, icône rayonnante et marionnette docile.
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Réalisateur et prestidigitateur
Le succès est immédiat, unanime, foudroyant même. Tout le monde veut rencontrer, inviter, interviewer Simone. Et Taransky doit ruser pour préserver son secret tout en respectant les codes élémentaires du marketing et de la communication. Il y parvient avec brio, en prestidigitateur expert qu’il est, manipulant les états d’âme, les ambitions et les ego qui l’entourent pour faire croître l’aura de cette idole moderne. Pourtant, petit à petit, sa création lui échappe autant qu’elle l’étouffe. Il ne lui reste alors qu’une solution : s’en débarrasser. Mais est-ce encore possible ? Et à quel prix ?
S’enchaînent alors des situations rocambolesques qui vont mener notre réalisateur de génie aux limites de la folie. Niccol déroule cette spirale avec humour, un grand sens de l’observation et beaucoup d’ironie. Il s’amuse au passage d’une industrie cinématographique qui peine à se réinventer, pour avoir sacrifié l’appel de l’art et de l’innovation aux impératifs commerciaux et aux diktats financiers. Inhumaine par essence, secrète par obligation, Simone déboule dans cet univers poussiéreux pour y réveiller le mythe d’un âge d’or pas forcément révolu.
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Pouvoir de fascination
Sans même oser le deviner, Taransky le Pygmalion numérique, interprété par un Al Pacino fascinant comme toujours, a ouvert une dangereuse boîte de Pandore. Deux options : la refermer tant bien que mal ; laisser aller les forces qui en ont surgi et en user telles qu’elles se présentent. Une configuration prophétique. 20 ans après la sortie du film, ces deux options demeurent face à la prolifération des réseaux sociaux, à l’usage des intelligences artificielles, à l’émergence des métaverses. Des mondes parallèles dont nous sommes devenus dépendants.
Influenceuses virtuelles, usage des hologrammes, NFTs, post-vérités, la frontière entre le vrai et le fictionnel s’efface. Qu’allons-nous devenir dans cette société où les Simone sont légion ? La question mérite d’être posée. Taransky explique que ce qui importe dans cette histoire, ce n’est pas tant la créature numérique en elle-même que la volonté de croire de ceux qui la regardent et lui prêtent son pouvoir hypnotique. Finalement, Simone est toute-puissante car elle reflète nos attentes, nos envies, nos ambitions, elle les épouse, les sublime. À chacun sa Simone, à chacun sa vérité. Pirandello avait vu juste.
Et plus si affinités
Vous pouvez visionner le film Simone en DVD.