Un enième film sur les méfaits de la mafia ? Certes Suburra sorti fin 2015 en France ressasse un sujet maintes fois exploré, mais il a le mérite de le faire de façon musclée et esthétique, sans une once de pitié ou d’admiration pour les fauves que nous allons y voir se déchirer pendant plus de deux heures, malfrats, politiciens et religieux confondus.
Suburra désigne un quartier malfamé de la Rome Antique, lieu de débauche et de crimes en tous genres, dont les cendres sommeillent sous les ors de la ville vaticane. En surface donc la beauté d’une cité séculaire, cœur de la chrétienté, cerveau de la république italienne, mémoire des temps magnifiques d’une puissance politique internationale.
Un vieux rêve, écrasé par l’appât du gain, la violence aveugle, les guerres de territoires, alors que l’Europe dicte ses exigences économiques. Mais cela les mafieux n’en ont que faire, ils perdurent et leur mode de vie avec. Les ministères peuvent s’écrouler, les papes rendre leur tiare, les parrains demeurent, du moins leur logique qui se passe d’une génération à l’autre, au gré des meurtres, des exécutions, des enlèvements, des rapports de force, des guerres de clans.
Réalisateur de l’impressionnante série télévisée Gomorra, Stefano Sollima passe ici au long métrage en choisissant d’adapter à l’écran le roman de Carlo Bonini et de Giancarlo De Cataldo, Stefano Rulli et Sandro Petraglia se chargeant de scénariser l’intrigue initiale. Une intrigue somme toute banale : un politicien qui aime trop la came et les putes mineures, une sauterie qui tourne mal, un cadavre à faire disparaître, un p’tit voyou qui s’en charge … et l’engrenage s’enclenche inexorable.
C’est qu’en sous main se joue une bataille de titans : la métamorphose d’Ostie en paradis du jeu ! Un véritable nirvana de fric à ramasser qui fait saliver toutes les familles. Tandis qu’un agent de la Mafia tente d’obtenir le vote de la loi qui déclenchera le projet immobilier tout en racolant l’argent nécessaire jusque dans les antichambres du Pontife, les différents gangs sortent les dents pour en croquer sur fond de chantage, d’extorsion et d’assassinats.
Difficile pour les anciens de mater ces figures émergentes, indomptables et irrespectueuses de la diplomatie la plus élémentaire. Très vite le film tourne à la lutte intergénérationnelle. Sur fond de chute du gouvernement, avec des députés prêts à se prostituer pour sauver leur siège, gagner un peu plus de privilèges. Sous une pluie battante qui noie la ville dans des lumières oranges et bleues de toute beauté, les plans rapprochés cernent l’inquiétude, la fièvres des consciences au moment où tout bascule.
L’Apocalypse titre l’un des chapitres de ce compte à rebours vers la dissolution d’un monde. Contre toute attente le nettoyage va venir des plus faibles, population, camés, victimes, … je n’en dis pas plus, regardez ce film à la fois poisseux et nerveux dans sa structure, le traitement de l’image, la rythmique de l’action, formidablement illustré par la musique de M83 qui contredit par sa luminosité éthérée l’atrocité de la situation. Et pensez à l’anthologique Main basse sur la ville de Francesco Rosi, tourné en 1963 : rien n’a changé depuis, tout n’a fait qu’empirer.
Et plus si affinités
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