Enfin, c’est fait : Fortune de France a été adapté en série. La première saison vient de débouler sur France TV pour raconter à l’écran les aventures de la Siorac family. Une lecture intéressante et qui évoque par bien des points l’actualité.
« Bon sang ne saurait mentir »
Fortune de France : 13 tomes, une véritable saga signée Robert Merle qui y raconte le destin des Siorac par la bouche d’un de ses fils, Pierre. Puîné, promis à la carrière de médecin, Pierre traversera les guerres de religion, œuvrant comme espion au service d’Henri III puis d’Henri IV. En débutant cette fresque historique, Merle avait-il en tête qu’il accouchait d’un monument littéraire ? Une histoire tellement dense qu’on hésita longtemps à la mettre en images.
C’est désormais chose faite sous la houlette de Christopher Thompson, acteur, scénariste et réalisateur, fils de la célèbre scénariste Danielle Thompson, petit-fils d’un certain Gérard Oury. Comme dit le proverbe, « bon sang ne saurait mentir ». Proverbe qui vaut aussi pour le clan Siorac, où la filiation est chose sérieuse. Pas étonnant donc que Thompson fils se soit attaché à ce sujet. Mais qu’en est-il justement ?
L’épineuse question de la religion
Fortune de France saison 1 s’attache à relater les faits évoqués dans le premier tome de la saga, à savoir l’élévation de Jean de Siorac, père de la lignée, soldat, savant, médecin, humaniste. Nous sommes en 1557, Siorac et son compagnon d’arme, Jean de Sauveterre, renforcent leur seigneurie de Mespech, dans le Périgord, où séjournent l’épouse de Siorac, Isabelle, ses enfants, leurs serviteurs. Un petit monde à part, où régnerait la concorde… s’il n’y avait l’épineuse question de la religion.
Isabelle, ses petits et une partie des domestiques sont de fervents catholiques ; les deux Jean sont protestants convaincus. Obligés de cacher leur foi, ils rusent pour échapper aux contrôles d’autorités suspicieuses et ne pas se retrouver sur le bûcher comme nombre de leurs camarades. Attendant que le vent tourne. Jusqu’à ce qu’un nouveau roi leur offre l’occasion de se dévoiler au grand jour… et de contraindre toute la maisonnée à la conversion. Ce qu’Isabelle refusera de toute son âme, quitte à mettre son couple en péril.
Un climat vicié
Le clash entre Jean et sa tendre mais inflexible épouse illustre à lui seul les tensions de plus en plus vives qui secouent le royaume. Très vite, la violence s’installe, on s’entre-tue sur fond de disette, de peste. Tout juste anobli, Jean fait des envieux parmi un voisinage de vieille aristocratie avide de s’enrichir toujours plus. Bref, le climat est vicié, contaminant même les esprits les plus pondérés. Jean lui-même, pourtant bercé par les idéaux humanistes, harcèle son épouse de la pire manière pour faire plier sa conscience, avant de comprendre à quel point il peut se transformer en tyran, lui qui fut tyrannisé dans sa foi.
C’est cette prise de conscience qui constitue le socle de cette première saison, dont la narration est resserrée afin de mettre cette dissonance cognitive majeure en évidence (n’en déplaise aux puristes gênés par certains aménagements, dixit la disparition de Miroul, personnage essentiel du roman). L’ensemble fait sens, servi par la prestation pour le moins convaincante d’un Nicolas Duvauchelle au jeu à la fois sobre et nerveux, d’un Guillaume Gouix pétri de contradictions, d’une Lucie Debay charmante et passionnée à la fois. Le récit ancré dans une Renaissance impitoyable frappe par son actualité : son regard scrutate parfaitement les errances auxquelles on peut se condamner lorsqu’on s’érige en champion de la vérité.
Et plus si affinités ?
Vous avez des envies de culture ? Cet article vous a plu ?
Vous désirez soutenir l’action de The ARTchemists ?