Found footage : on vient d’en parler avec la chronique sur la saga espagnole .Rec. Ce genre mérite un détour en soi, qui a pris le cinéma fantastique par les tripes pour intégralement le retourner et lui asséner une grande claque. Car il s’agit au finish de miser sur le réalisme le plus cru, une sorte de caméra vérité de l’atroce, un parti pris narratif et esthétique pas forcément évident à assumer. Explications.
Le found footage, c’est quoi au juste ?
Avant tout, clarifions le concept. Le found footage ( littéralement « images retrouvées » en français) désigne un style cinématographique spécifique où le film est présenté comme une séquence d’enregistrements vidéo (ou audio) découverts après les événements qu’il raconte. Le truc, c’est de faire croire au spectateur que ces images sont authentiques, qu’elles ont été filmées par des gens comme vous et moi, et que tout ce qu’on visionne a vraiment eu lieu.
Conter-coup du format : le spectateur se retrouve dans le rôle du voyeur, celui qui découvre des événements terrifiants, au fil de la projection d’un documentaire ou d’un enregistrement privé, qu’on vient de retrouver et qui témoigne d’événements mystérieux. L’illusion est totale, et c’est ce qui fait toute la puissance du found footage. On n’a pas l’impression de regarder une fiction, mais un reportage, des images d’archives, pire, un indice, une preuve. Et ça, ça change tout.
Aux origines du found footage
Beaucoup pensent que tout a commencé avec Le Projet Blair Witch (1999). Erreur ! Le found footage est né bien avant (même s’il est vrai que Blair Witch a donné un gros coup de pied dans la fourmilière du cinéma d’horreur). L’un des premiers exemples notables de found footage remonte à Cannibal Holocaust, réalisé par Ruggero Deodato en 1980. Ce film choc suit une équipe de journalistes qui disparaît dans la jungle amazonienne. Les seules traces de leur passage sont des bobines de films retrouvées, montrant des scènes insoutenables de cannibalisme et de violence.
L’impact de Cannibal Holocaust a été si fort, si scandaleux qu’il a failli coûter la prison à son réalisateur, accusé d’avoir filmé des meurtres réels (il a d’ailleurs dû prouver que les acteurs étaient bien vivants pour éviter le pire ; ajoutons par ailleurs qu’il a filmé des animaux se faisant réellement massacrer, comme quoi le doute était plus que permis). Ce film est la matrice du genre : une tension insoutenable, des images choquantes qui semblent tirées de la réalité, un malaise constant qui entretient l’incertitude.
La révolution Blair Witch : au paroxysme du réalisme
Si Cannibal Holocaust a posé les bases, c’est Le Projet Blair Witch qui a transformé le found footage en phénomène de masse. Sorti en 1999, ce film réalisé par Daniel Myrick et Eduardo Sánchez a fait péter les compteurs. Pourquoi ? Parce qu’il a exploité le concept du found footage jusqu’à la moelle. Le marketing autour du film a joué à fond la carte de l’authenticité : les réalisateurs ont diffusé de faux reportages, fait croire que les acteurs avaient vraiment disparu, et créé un buzz gigantesque sur Internet (alors en plein essor).
Le film lui-même est une leçon de minimalisme : trois étudiants partent dans une forêt pour enquêter sur une légende locale, une sorcière du XIXe siècle qui hanterait les lieux, inspirant notamment un assassin d’enfants. Bien sûr, le reportage va dégénerer. La caméra tremble, l’image est souvent floue,la terreur s’installe progressivement pour devenir palpable. Rien n’est montré explicitement, tout est suggéré, ce qui fait que l’imagination du spectateur bosse à fond. Le found footage permet de capturer et de transmettre cette terreur brute, immédiate, intégrale.
Les codes d’un found footage réussi
Pour qu’un found footage te file vraiment les jetons, il faut respecter quelques codes essentiels.
- Authenticité avant tout : L’illusion du réalisme est primordiale. Les acteurs ne doivent jamais avoir l’air de jouer. Tout doit sembler spontané, comme si la caméra avait capté des moments volés. Le langage doit être naturel, les réactions humaines, et surtout, il faut éviter les effets spéciaux trop tape-à-l’œil.
- La caméra comme personnage : La caméra s’impose comme un protagoniste essentiel. Ce que tu vois dépend d’elle. Les angles, les mouvements brusques, les flous : tout cela doit renforcer l’impression que ce sont de vraies personnes qui filment, souvent dans la panique.
- Minimalisme : Pas besoin de décors extravagants ou d’une armée d’effets numériques. Moins on en montre, mieux c’est. L’horreur doit se suggérer, non pas exploser à l’écran. C’est cette subtilité qui fait mouche dans les meilleurs found footage.
- La montée progressive de la tension : il convient de prendre son temps pour installer la peur. Il ne s’agit pas de balancer des jump scares à la pelle. Il faut faire monter la sauce petit à petit, avec des signes avant-coureurs : un bruit, une ombre, une voix. Et puis, BAM ! Tout bascule dans le chaos.
Qu’est-ce que le found footage apporte au genre fantastique ?
Le found footage est une véritable révolution pour le cinéma fantastique et d’horreur parce qu’il joue sur une peur très contemporaine : celle de ne plus distinguer la réalité de la fiction. Alors que l’horreur traditionnelle nous place en position de spectateur extérieur, le found footage nous rend complice de ce que nous voyons. Nous sommes dans le film.
Chaque tremblement de caméra, chaque cri nous aspire un peu plus dans cet univers, comme si c’était nous qui filmions. Ce réalisme exacerbé, couplé à l’imprévisibilité de l’action, donne l’impression d’être témoin du chaos. C’est précisément cette rupture avec les codes classiques de l’horreur qui rend le found footage aussi percutant. L’horreur devient une expérience personnelle et immersive, où chaque seconde te maintient en alerte.
Les films incontournables pour explorer le genre
Le found footage a produit quelques pépites qui ont marqué l’histoire du cinéma d’horreur. On a déjà évoqué Cannibal Holocaust, Le Projet Blair Witch, .Rec. Mais il y en a d’autres, tout aussi savoureux et aboutis.
Paranormal Activity (2007)
Un des films qui a relancé la popularité du found footage après Blair Witch. Il a été réalisé avec un budget minuscule mais a eu un impact énorme sur le genre, avec son ambiance de terreur psychologique.
The Poughkeepsie Tapes (2007)
Un found footage sous la forme d’un faux documentaire, explorant les cassettes d’un tueur en série sadique. Il est particulièrement troublant en raison de son aspect réaliste et sordide.
Cloverfield (2008)
Ce film mêle science-fiction et horreur, utilisant le format found footage pour capturer l’effroi d’une attaque de monstre géant sur New York. Il se distingue par son échelle massive et ses effets spéciaux.
Troll Hunter (2010)
Ce film norvégien apporte une touche d’originalité en mêlant le found footage à la fantasy, suivant une équipe de documentaristes qui traquent des trolls dans la nature sauvage norvégienne.
Catacombes (2014)
Situé dans les catacombes de Paris, ce film utilise le found footage pour créer une atmosphère oppressante et claustrophobique, explorant à la fois l’horreur psychologique et les thèmes de l’alchimie et du surnaturel.
V/H/S (2012)
Une anthologie de courts métrages en found footage, chacun explorant une sous-catégorie différente de l’horreur. C’est une expérience variée qui montre la polyvalence du genre.
The Visit (2015)
Réalisé par M. Night Shyamalan, ce film raconte l’histoire de deux enfants visitant leurs grands-parents, mais les choses tournent rapidement au cauchemar. Ce film joue sur le malaise familial et l’horreur du quotidien.
Le found footage est bien plus qu’un simple gadget cinématographique. Ce genre a redéfini les limites de l’horreur en rendant l’effroi encore plus palpable. En nous plaçant directement dans la peau des personnages, en brouillant les frontières entre fiction et réalité, il transforme chaque scène en une expérience viscérale, qui nous hante bien après que les lumières se sont rallumées. En résumé, une fois qu’on a plongé dans l’univers du found footage, impossible de regarder un film d’horreur comme avant.
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