Pour fêter la réouverture culturelle de notre beau pays, parachutons-nous en Touraine, saint des saints en matière d’Histoire, berceau des arts renaissants et bastion gastronomique. Berceau de la Renaissance française, la région déploie un fort attrait touristique qu’elle cultive de diverses manières au gré des municipalités, de leur patrimoine respectif et de leurs objectifs annoncés. Parmi ces cités historiques, Blois. L’ancien fief du ministre de la culture Jack Lang abrite aujourd’hui trois pôles destinés à satisfaire l’intérêt d’un public nombreux. Il s’agit du château, reflet d’un passé à la fois glorieux et agité, de la Maison de la Magie et de la Fondation du doute. En apparence très différentes, ces trois institutions dessinent en fait une continuité, un dialogue entre le passé, le présent et le futur, dans une réflexion assez pertinente sur les multiples facettes de l’acte artistique.
Le château de Blois : patrimoine architectural et force de l’Histoire
Débutons notre visite avec le palais monumental qui dresse ses galeries au haut d’une éminence. Trois ailes en déroulent les temps forts : Moyen Age finissant, Renaissance affirmée, Grand Siècle classique. Porc-épic des Valois, salamandre de François 1er, la présence royale s’accroche ici à chaque pierre, à chaque marche, à chaque paroi. Sévère, le lieu est imprégné du pouvoir, depuis le dallage coloré jusqu’aux plafonds à caisson.
Si certaines salles accueillent les collections du musée des Beaux Arts, des expositions temporaires et des animations illustrent la beauté des jardins humanistes, les modes du XVIeme siècle ou les duels d’escrime si prisés de la noblesse d’alors ; l’ensemble des appartements rendent ainsi compte de la vie de ces palais au temps jadis. Architecture, décoration, mobilier, objets, tableaux, le quotidien de la cour des Valois transpire ici tandis qu’on rappelle les temps forts du lieu, notamment l’exécution de Guise par Henri III.
Tout ici est fait pour plonger le visiteur dans une atmosphère, une période, un vécu. De fait, parcourir le château permet de saisir de visu les métamorphoses impulsées par le passage des ces années charnières. De pièce en pièce, la flamboyance gothique initiale s’estompe pour laisser apparaître certaines prouesses renaissantes (le fameux escalier), confrontant espace public du pouvoir (salles d’apparat et galeries) et retraite des appartements privés comme le fameux studiolo de Catherine de Médicis. Le tout en dit long sur les arcanes d’une politique qui passe alors de la féodalité à la l’absolutisme.
La Maison de la Magie : hommage à Houdin et attraction permanente
Quittons le château, traversons l’esplanade qui le sépare de la Maison de la Magie. Labellisée Musée de France, cette ancienne demeure de notable datée de 1856 ouvre ses cinq étages aux arts de l’illusion, en rendant notamment hommage à deux de leurs plus grands représentants, Robert Houdin, originaire de la région, et son presque homonyme Harry Houdini l’américain. Deux noms qui ont marqué la prestidigitation en la faisant entrer dans la modernité.
Miroirs déformants, jeux d’optique, effets de trompe l’œil, le parcours évoque toutes les facettes de cet univers improbable et fascinant, abordant l’ensemble dans un décor inspiré à la fois des foires du XIXeme siècle, des salons de spirites et des cabarets d’autrefois. On s’y amuse en testant chaque chimère optique, en découvrant les accessoires et les astuces que ces diables d’hommes ont inventés au travers des siècles pour fasciner leurs semblables.
Spectaculaire, la Maison de la Magie l’est jusque dans la présence latente de Méliès qui dessine la passerelle avec le cinéma, ou celle du gigantesque dragon à six têtes qui transperce la façade pour accueillir les visiteurs ébahis. Ici c’est la magie des automates et des marionnettes qui nous émerveille. On comprend alors au travers de ces attractions combien le monde de l’illusionnisme est proche de ceux du théâtre et du cirque.
http://www.maisondelamagie.fr/
La fondation du doute : Fluxus, mon amour
Faisons un saut dans l’espace et le temps pour nous rendre à la fondation du doute, installée à quelques centaines de mètres sur la colline qui fait face au château. Une cour d’école, des bâtiments d’internat … et des murs sertis par les tableaux écrits de Ben, grand ordonnateur du lieu, si tant est qu’on puisse associer l’idée d’ordre et le courant Fluxus auquel la fondation se consacre. Et là aussi un jeu de mot, la fondation n’en est pas une même si ses collections ont pour objectif de servir de socle à la mise en question de l’art.
« L’art est-il utile ? » « Qui décide de ce qui est beau ? » « Fluxus est-il une salade ou un mouvement d’art ? » … il y en a des dizaines comme ça, accompagnées d’affirmation décalées et farfelues qui expriment la manière dont les artistes se réclamant de Fluxus conçoivent la place de l’art dans le quotidien. Dans le sillage d’un John Cage lui-même impacté par un Duchamps, le courant Fluxus va se répandre sur la planète au gré des remous idéologiques et intellectuels des années 60.
C’est cette épopée que retrace la fondation du doute au travers de quelques 300 œuvres représentatives d’une cinquantaine d’artistes parmi lesquels Ben bien sûr, mais aussi Yoko Ono, Daniel Spoerri, Nam June Paik … Collages, mail art, vidéos, montages photos ou installations volumineuses s’articulent autour de pôles de vie, le café Fluxus, le centre mondial des questionnements, le pavillon d’exposition temporaire, qui ancrent l’esprit Fluxus dans le quotidien et le vivant. Car c’est un principe ici, il convient de toucher, de manipuler, de créer … et d’en rire.
http://www.fondationdudoute.fr/
Et plus si affinités :
N’hésitez pas à feuilleter l’album photos de notre visite.