Hokusai n’est pas un inconnu : voici plusieurs fois que nous en parlons dans ces colonnes, pour relater une exposition, une monographie, un album d’initiation. Le manga que lui consacre Shôtarô Ishinomori tient une place privilégiée dans cette liste. En effet il s’agit là d’une biographie sublimée dédiée à l’inventeur du manga par un maître du genre, qui en évoquant le parcours du grand peintre, cherche par ailleurs un sens à son art.
Le récit n’est pas linéaire, l’auteur se concentre sur des épisodes précis de la vie de l’artiste sans chercher forcément à la restituer dans un ordre chronologique conventionnel : tous se situent en 42 et 85 ans, période où Hokusai devient Hokusai. On y découvre un créateur tourmenté, instable, incapable de s’ancrer dans une famille, un espace, une communauté, célèbre et respecté certes mais misérable car indomptable, marginal et totalement dévoré par sa vocation.
Tout doit plier devant lui et sa soif insatiable de comprendre, de saisir les mystères de la nature et du monde pour en restituer les secrets sur le papier. Insatisfait perpétuel, Hokusaï change de nom comme de style, véritable mutant de la plume et du pinceau, avide de perfectionner techniques, outils, toujours en quête de nouveaux thèmes, même les plus terrifiants. Son entourage a bien du mal à suivre ses lubies, mais c’est à ce prix qu’on entre dans l’éternité.
Les planches déroulant l’action alternent avec des estampes du maître, créant un lien de cause à effet entre une atmosphère, un moment de vie, une émotion et l’oeuvre qui en découle. Cette mise en regard est des plus touchante, Ishinomori essayant ainsi de retracer le difficile cheminement d’une inspiration, d’une volonté esthétique farouche. Il y puise peut-être quelques réponses sur la source même de son talent : ce manga anthologique est façonné en 1987 10 ans avant sa mort, peut être comme un désir prophétique de faire le point sur une influence, une tradition séculaire portée au rang d’art majeur.
Et plus si affinités