Une intégrale à la Cinémathèque, des coffrets DVD à venir, des dossiers spéciaux et entretiens dans nombre de revues et quotidiens pour accompagner la sortie française de The Assassin … On ne s’attendait pas à une telle couverture médiatique pour Hou Hsiao-hsien. C’est heureux, car c’est sans doute une page importante qui se tourne dans la carrière du réalisateur. Son wu-xia est enfin sorti, après des années de travail, de discussions, de rebondissements…
En 1993, dans Le Maître de marionnettes, enfin découvert à la Cinémathèque, la surprise vient des échappées extérieures des protagonistes de cette saga familiale et historique : l’apparition d’un pont suspendu en pleine forêt, des silhouettes à pied ou à bicyclette traversant un champ. Quelque chose se passe dans l’enregistrement du décor naturel. Une représentation publique évoque déjà une fumée maléfique, empoisonnée, qui s’empare d’une princesse … Hasard ou coïncidence des récits et légendes chinoises, cette vision depuis un castelet annonçait déjà une des plus belles séquences de The Assassin. Film qui tranche singulièrement dans notre décennie, reliant les âges du cinéma dans une captation visuelle et sonore inouïe, avec comme témoin une inconsolable héroïne littéraire.
Le livre de Hsieh Hai-meng (une des co-scénariste de HHH) est justement accompagné de l’Histoire de Yinniang écrite par Pei Xing (9ème siècle) et du scénario original du film, illustrés par une généalogie des fratries en présence. Autant de « goodies » historiques et littéraires en préambule aux récits de préparation et tournage, qui sont certainement nécessaires à la compréhension de l’échiquier familial et historique. Mais qui agissent aussi comme des preuves de l’attachement du réalisateur taïwanais à ce projet, à l’idée de cette adaptation cinématographique, sa dimension épique et mélancolique.
La chronique en elle-même épate par sa sincérité. Les nombreuses difficultés de production, la patience et l’humeur variables de Hou Hsiao-hsien (même s’il reconnaît, avec les années, être plus tolérant avec l’équipe du tournage) nous confortent dans le sentiment d’exigence qui traverse The Assassin. Le budget important mis à disposition pour le film est une vrai question pour le réalisateur, au point de regretter les méthodes de tournage beaucoup plus légères de Goodbye South goodbye.
De cafeterias franchisées en restaurant locaux, les discussions de préparation nous permettent, par exemple, de suivre le développement du personnage de Yinniang (Shu Qi à l’écran).
Une héroïne complexe, sans doute atteinte du syndrome d’Asperger, avec des facettes historiques et contemporaines, hollywoodiennes (Jason Bourne, Millenium,…) ou littéraires (Moravia, Garcia Marquez). Dès lors, Yinniang au cinéma, sera une tueuse légendaire, d’une irréprochable fidélité à sa description d’époque, mais transportant avec elle tout un monde de signes, de comportements ou de visions qui se jouent des siècles et des repères temporels.
La chronique avance, et le tournage s’approche pour Hsieh Hai-meng qui va pour la première fois se retrouver sur un plateau, en extérieur, dans les montagnes du Wudang ou au Japon. Expérience inédite et peu confortable pour la co-scénariste qui décrit l’imposante équipe du film et sa logistique aux prises avec les éléments naturels, mais aussi avec les touristes pas toujours respectueux…
Régalant le lecteur d’informations d’intensités diverses autour de The Assassin (l’anecdotique conduit parfois à des évidences), Nuages mouvants est un incontournable making of manuscrit, accompagnement idéal d’un foudroyant geste de cinéma qui garde, heureusement, encore tout ses mystères.
Et plus si affinités
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