20 janvier 2021 : investiture de Joe Biden. Demain donc, vingt-quatre heures sous tension, Washington barricadée, sous contrôle policier, les couloirs du Capitole blindés de soldats de la Garde Nationale dormant à même le sol. La prise d’assaut du Capitole par les pro Trump a marqué les esprits, tiré la sonnette d’alarme. Vraiment ? On connaissait pourtant le danger, depuis les rassemblements « Unite the right » de Charlottesville, et l’attaque à la voiture bélier qui a fait un mort et une vingtaine de blessés. Avant même, si l’on en croit le documentaire Infiltré dans l’ultradroite – Mon année avec l’alt-right.
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Mission d’infiltration
Une heure durant, Bosse Lindquist relate la mission d’infiltration d’une jeune étudiant suédois (particulièrement courageux, il faut le souligner) au cœur de l’alt-right internationale, qu’il pénètre à partir de sa branche anglaise, le tout pour le compte d’une organisation antifasciste britannique baptisée Hope not hate. Objectif : identifier les figures principales du Forum London, mettre à jour l’organigramme décisionnel, comprendre comment fonctionnent ces gens, comment ils communiquent, quels sont leurs buts, leur véritable portée, leur dangerosité.
Ce qu’on découvre au fil des images récoltées en caméra cachée et des témoignages fait froid dans le dos. C’est bien une organisation à l’échelle de la planète qui s’est mise en place avec des agents d’extrême droite venus de tous les pays pour collaborer et faire triompher leurs idées : éradication de la démocratie, discrimination raciale, sexiste, traque des opposants politiques … D’autant plus effrayant que ces individus savent parfaitement transmettre leurs idées via les réseaux sociaux dont ils maîtrisent les codes.
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Banaliser un discours abject
Une opportunité en or de banaliser un discours abject, d’une rare violence, tout en racolant des publics plus ou moins attirés par ces prises de position pour le moins contestables mais qui, par le prisme de l’écran, prennent un petit côté cool, dixit le meme de la grenouille Pepe the Frog (que, du reste, son créateur, le dessinateur Matt Furie, a préféré tuer dans un dessin hautement symbolique diffusé le 6 mai 2017, pour dénoncer cette récupération insupportable). Le documentaire met par ailleurs en évidence la sympathie de Trump à l’égard de ce mouvement, jusque dans ses propos absolument inacceptables suite aux émeutes de Charlottesville que nous évoquions en introduction.
Charlottesville où notre jeune observateur se trouvait en tant qu’invité, présent dans la manifestation parmi les militants d’extrême-droite. Et les images qu’il rapporte, son récit font également très peur, car ils mettent en évidence la montée à l’action d’activistes totalement endoctrinés qui n’ont plus aucun arrêt, aucun état d’âme, aucune empathie. Problème : les émeutes de Charlottesville datent de 2017, l’infiltration a débuté u an plus tôt en 2016, le documentaire sort en 2018. Il y a trois ans. Trois ans. Trois ans qu’on sait. Et seulement maintenant, on réagit. Seulement maintenant.
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Ce reportage a été diffusé sur ARTE il y a un an, il est encore disponible, le visionner est impératif pour comprendre la logique qui a initié la prise du Capitole et interroger les manques absolument sidérants qui émergent de cette journée particulière, en matière de sécurisation des lieux, de préparation. C’est aussi l’occasion d’interroger la responsabilité des réseaux sociaux. Bref il y a beaucoup à faire pour enrayer l’avancée de cette idéologie. Là aussi, le documentaire évoque les méthodes à mettre en œuvre pour ralentir, sinon stopper pareilles organisations, quitte à employer leurs propres armes.
Et plus si affinités
https://www.arte.tv/fr/videos/082246-000-A/infiltre-dans-l-ultradroite-mon-annee-avec-l-alt-right/