Le 4 septembre, nous chroniquions dans l’urgence et l’enhtousiasme
Cinéma / La Légende de Kaspar Hauser : last night a DJ saved my life
Kaspar Hauser : mystère de l’Hisoire, fable en noir et blanc, film surréaliste, épopée musicale. Un petit bijou, une folie cinématographique et un questionnement intense : qu’est-ce qui a bien pu traverser l’esprit du réalisateur Davide Manuli pour accoucher de pareil OVNI avec dans son sillage des pointures comme Vincent Gallo et Vitalic ?
Le mieux quand on a une question, c’est de demander, si possible à l’intéressé. Qui en la circonstance a pris le temps de nous répondre. Avec passion, lucidité, simplicité, sans prise de tête. Et un positionnement clair sur l’état du cinéma d’aujourd’hui et la nécessité d’y réinjecter du non-sens, du rêve et de l’expérimental.
Entretien.
Pourquoi avoir choisi de travailler sur l’affaire Kaspar Hauser ? D’où vient cette idée ?
Après mon 2ème long-métrage BEKET qui était à Locarno en compétition en 2008, les producteurs m’ont demandé un autre film à tourner en Sardaigne avec eux, et moi j’ai pensé faire un dyptique avec les mêmes ingrédients: même lieu, même désert, même nombre de personnages, même cadrage, même noir et blanc et même poétique. Dans BEKET on parle de l’absurdité de la vie humaine, et ici on parle du non sens de la vie humaine.
Théorème de Pasolini, Stromboli de Rossellini, La Nuit des rois de Shakespeare, L’enfant sauvage de Truffaut : votre film évoque de nombreuses œuvres. Quelles ont été vos sources d’inspiration ? Cinématographiques, littéraires, photographiques, plastiques ?
Pour mes 2 derniers films qui forment un dyptique, c’est à dire BEKET et KASPAR, je n’ai eu qu’une source d’inspiration : JIM JARMUSCH avec STRANGER THAN PARADISE et DOWN BY LAW, en analysant de près son travail fait avec Tom Di Cillo et Robby Muller à la photo.
Vous choisissez de faire de cette histoire un récit surréaliste entre exemplum, comptine, délire et fable. Comment avez-vous écrit le scénario ? Quel était votre objectif ?
Mon seul objectif était de prendre énormément de risques et me faire probablement beaucoup de mal. Faire une vraie expérience d’art visuel correspondant à ce que l’on “devrait” appeler CINEMA.
Comment avez-vous composé le casting ? Pourquoi avoir choisi une femme pour le rôle titre ?
Le seul acteur que j’ai contacté avec des années d’avance était VINCENT GALLO, tous les autres sont rentrés dans le projet à 2 mois du tournage. Je ne pensais pas prendre une femme pour le rôle titre…ça a été inattendu. Une très grande et belle surprise de dernière minute.
Vincent Gallo et Silvia Calderoni sont des artistes aux multiples facettes : performers, musiciens, lui est plasticien également. Pourquoi avoir choisi ces acteurs pour incarner les personnages principaux ?
Vous venez de le dire vous-même : car c’est d’abord 2 artistes et seulement par la suite 2 acteurs.
Vos personnages sont très typés, très théâtraux, construits comme des doubles (la fille perdue vs la duchesse, le shérif vs le dealer), le curé également, … comment les avez-vous façonnés ? Que représentent-ils ? Qu’est ce que Kaspar révèle chez eux ?
Une chose m’intéressait : que les acteurs redeviennent pendant le tournage purs et simples comme des enfants qui “JOUENT” pour de vrai sans trop se poser de questions: A CHILD PLAY.
Les dialogues alternent anglais et italien : pourquoi ces deux langues ? En quoi se complètent-elles ?
Dans mes 3 long-métrages, on parle différentes langues.
Vous avez choisi de tourner en Sardaigne. Pourquoi ce choix de décors ? En quoi cela sert-il votre propos sur ce lieu utopique ?
J’avais besoin d’un désert (comme pour mon film précédent BEKET) car il représente un non-lieu, et en Italie il n’y a que la Sardaigne qui offre de véritables déserts.
Paysages, cadrages, lumières, … l’image est essentielle dans ce film que vous avez tourné en noir et blanc. Pourquoi ces choix esthétiques ?
Je voulais être certain d’obtenir un résultat sûr et fort, vu les conditions de tournage difficiles de par le temps et le budget. J’ai voulu extrêmiser l’esthétique pour renforcer le film.
La musique joue un rôle essentiel dans le film. Vous avez notamment travaillé avec deux morceaux de Vitalic « Poison lips » et l’autre portant le titre du film. Pourquoi ces choix ? Comment avez-vous vécu cette collaboration ?
La musique que m’a composée VITALIC pour la B.O….est hallucinante. Du jamais entendu. La musique joue le rôle principal dans le film en le faisant s’envoler comme un Alien avant-gardiste. L’union des images avec ces musiques est quelque chose d’incroyable et de totalement inattendu, vue la puissance du résultat.
Le personnage de Kaspar Hauser est autiste, marginal et artiste. Pourquoi en avoir fait un personnage christique ? Quel statut de l’artiste incarne-t-il à vos yeux ?
J’ai juste accepté la théorie de RUDOLF STEINER sur Kaspar Hauser: après l’avoir longuement étudié, il est arrivé à la conclusion que c’était un Christ, un Saint. Moi, j’ai juste accepté cette thèse sans la questionner. Le vrai artiste à mes yeux incarne la liberté…au moins pendant le petit temps de ses représentations.
Votre film a été primé de nombreuses fois, salué par la critique. Comment expliquez-vous ce succès pour une œuvre qui ne cadre résolument pas avec ce qui se fait habituellement au niveau cinématographique ?
Le cinéma est complètement fini et mort sans aucun espoir…mais cela dit, les spectateurs n’en peuvent plus des conneries que le marché nous propose depuis une décennie, et quand par exemple HOLY MOTORS de Carax, FAUST de Sokurov, POST TENEBRAS LUX de Reygadas ou MOEBIUS de Kim Ki Duk sortent…on court les voir.
Un immense merci à Davide Manuli pour ses explications.
Et plus si affinités