Zoom sur Fred Soreau : confidences d’un photographe globe-trotter

The Artchemists Interview Frederic Soreau

Flashback : la semaine dernière, nous éditions une chronique du livre Algérie-Une histoire millénaire paru aux éditions Géorama. Un magnifique livre mêlant textes et photographies en une exploration de l’Algérie méconnue. Paysages majestueux, villes féériques, digne héritier des récits de voyage de la fin du XIXeme siècle, le travail de Frédéric Soreau nous a beaucoup impressionnés. Suffisamment en tout cas pour que nous nous intéressions à ce Monsieur de plus près.

Photographe professionnel, guide et conférencier, auteur et reporter, professeur de langues étrangères et de FLE (Français Langue Etrangère) : Soreau cultive un profil en apparence atypique mais finalement d’une rare cohérence. Trait d’union de ces différentes disciplines qu’il pratique de front : l’amour de l’Ailleurs. L’échange également entre les cultures, les êtres humains. A l’heure du tout numérique, de l’automatisation échevelée, Soreau s’enracine dans le concret, la vérité du dialogue, le travail de terrain.

Le partage In Real Life, loin des sirènes du social media (il y opère depuis peu, il faut bien se tenir à la page, mais avec autant de discrétion que d’élégance), c’est son ambition : qu’il s’agisse de faire découvrir le monde à des voyageurs, de partager les beautés de la langue françaises avec des amateurs venus des quatre coins du monde, de raconter en texte et en images ses périples à la surface de la planète.

Un OVNI ? Il y a de ça. Et surtout une sacrée rencontre, pour une personnalité d’une rare richesse, aussi inspirée que rigoureuse et pertinente, qu’il s’agisse de prendre la plume ou l’objectif. On vous relate le tout dans cette interview.

« L’amour de l’Ailleurs, l’ouverture aux autres »

  • Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours professionnel ?

J’ai plusieurs casquettes, je suis photographe professionnel, j’écris des livres et des guides de voyage. Je suis également guide-accompagnateur. Parallèlement à ces activités, je donne des cours de français langue étrangère et je suis examinateur-correcteur pour les tests de langue. Plusieurs activités donc, complémentaires avec un thème commun : l’amour de l’Ailleurs.

  • Qu’est-ce qui vous a initialement amené à vous lancer dans tous ces domaines ?

En ce qui concerne la photographie, j’ai commencé très jeune. Je faisais en amateur des stages photos et j’étais inscrit dans un club photos dans le 18eme à Paris. On faisait du noir et blanc, on développait les tirages argentiques. C’était magique de voir la photo apparaître dans le bac du révélateur. Avec l’argentique, on faisait très attention à la prise de vue, au cadrage, avant d’appuyer sur le bouton. Les pellicules photos coûtaient chers et je pense qu’on faisait plus attention qu’aujourd’hui ; avec le numérique, on a juste à appuyer sur le bouton.

J’ai aussi toujours été attiré par les cultures étrangères. Lorsque j’étais étudiant à l’École du Louvre, les cours d’histoire de l’Art sur les civilisations orientales m’ont vraiment ouvert l’esprit, c’était un sujet passionnant. J’étais fasciné par ces cultures si différentes de la nôtre.

A la même période, j’ai eu l’opportunité d’accompagner des groupes de voyageurs pour une association, la FUAJ (Fédération Union des Auberges de Jeunesse) ; ils organisaient des voyages/aventures à travers le monde et m’ont proposé d’accompagner un circuit en Indonésie et en Malaisie. Le voyage s’est très bien passé et ils m’ont proposé par la suite d’accompagner d’autres groupes dans différents pays. A l’époque, il n’y avait pas internet, les accompagnateurs devaient réserver les hôtels sur place et s’occupaient des transports, de la gestion du groupe. Il fallait être débrouillard et parler les langues étrangères.

  • Comment ces différentes activités s’articulent-elles ?

Toutes ces activités, que ce soient l’accompagnement de voyage, la photographie, l’écriture de livres de voyage, l’enseignement du français langue étrangère ont un point commun : l’ouverture aux autres.

« Le voyage et la photographie ? Un prétexte pour aborder l’autre, mieux comprendre l’autre ».

  • Qu’est-ce qui vous attire le plus dans la photographie de voyage ?

La photo de voyage permet d’explorer de nombreux domaines, c’est très diversifié. Je fais des photos de paysages, de portraits, des scènes de rue, de l’animalier, des photos de fêtes, d’événements et de festivals. L’objectif est de donner un aperçu du pays, sans tomber dans les clichés (rires).

  • La photographie de voyage demande une sensibilité particulière. Comment parvenez-vous à capturer l’âme d’un lieu ou d’une culture à travers l’objectif ?

Je n’ai pas de processus créatif à proprement parler. Mais je suis particulièrement sensible à la lumière. En général, j’essaye de faire beaucoup de photos tôt le matin et en fin d’après-midi. La lumière dorée est plus belle, elle sublime les espaces, les sites, les êtres.

  • Quels sont les défis particuliers que vous rencontrez en tant que photographe de voyage ?

J’essaye toujours de photographier le plus possible les habitants du pays dans lequel je me rends, parce que je m’intéresse à l’humain, dans son quotidien. Or qui n’est pas toujours facile. Cela dépend du pays et du rapport que les habitants ont avec la photographie. Je fais toujours attention à me fondre dans la masse pour pouvoir photographier les gens de façon plus naturelle. Plus que les paysages, ce sont les visages qui m’attirent. C’est important de respecter l’autre, s’il ne veut pas être photographié pour des raisons religieuses ou par superstition ; certains peuples croient qu’en les photographiant on leur vole leur âme : dans ces cas-là, je n’insiste pas. Parfois c’est le contraire ; les gens sont heureux et fiers d’être pris en photo. Je me rappelle qu’en Inde, un habitant du Rajasthan m’a suivi à vélo dans le village pour que je le photographie. Après l’avoir photographié, son visage s’est illuminé et j’ai vu la joie que cela lui procurait ; c’est à ce moment-là que j’ai réalisé un deuxième cliché et c’était la bonne photo.

  • Comment choisissez-vous les sujets et les lieux que vous souhaitez photographier ?

Lorsque je réalise un reportage photos dans un pays que je ne connais pas, je me renseigne beaucoup avant de partir. Je lis beaucoup de livres sur le pays, je regarde des documentaires. Arrivé sur place, le premier jour, je ne fais pas de photos. Je me promène dans les rues de la ville, j’observe, je fais des repérages, je regarde comment les gens réagissent. Pour certaines photos, il m’arrive de faire des croquis sur un carnet, de repérer des endroits susceptibles d’être intéressant comme angle de prises de vue. Par exemple à Cuba à La Havane, il y a un quartier avec beaucoup de murs peints représentant des héros de la révolution. Lorsque j’y suis allé il y a 1O ans, j’avais fait des repérages la veille puis j’étais revenu le lendemain matin pour réaliser les photos.

J’essaye aussi de faire des photos de fêtes et de festivals. Je pense que c’est important car cela reflète l’âme d’un pays. Cela peut être une fête religieuse comme la Semaine Sainte au Guatemala à Antigua ou des carnavals comme à Rio au Brésil. Là-bas justement, le carnaval a lieu chaque année au Sambodrom ; j’avais préparé mon voyage en amont et j’avais fait une demande d’accréditation pour pouvoir avoir accès à certains lieux.

  • Quel rôle la photographie joue-t-elle dans votre manière d’explorer et de comprendre d’autres cultures ?

Pour moi, le voyage et la photographie sont un prétexte pour aborder l’autre, mieux comprendre l’autre. Heureusement on ne vit pas tous de la même manière dans tous les pays du monde. Les coutumes, les traditions, le rapport à la religion, au spirituel sont très différents selon les cultures. Le fait d’avoir beaucoup voyagé m’a ouvert l’esprit. Si je n’étais pas photographe, je pense que je n’aurais pas eu la possibilité d’accéder à certains endroits et aussi de rencontrer certaines personnes. Je pense à Naguib Mahfouz, à Youssef Chahine, à Gamal Ghitany, à Sonallah Ibrahim que j’ai eu l’honneur de rencontrer lorsque nous avions avec Olivier Dalle réalisé deux ouvrages sur le Caire (Le Caire 1999 et Regards sur Le Caire aux éditions Romain Pages).

  • Quelles sont vos principales sources d’inspiration, tant sur le plan professionnel que personnel ? Y a-t-il des mentors ou des figures influentes qui ont marqué votre parcours ?

D’une manière générale, je suis inspiré de manière inconsciente par tous les arts : le cinéma, la musique, la littérature et bien entendu la photo. J’aime beaucoup l’œuvre de Cartier-Bresson, son sens de la composition , de la géométrie , son intuition, son humanisme. Chacune de ses photos est bien équilibrée. Tous les éléments sont à leur place, un peu comme dans une peinture.

La peinture, notamment la peinture de la Renaissance, est aussi l’une de mes sources d’inspiration. Elle me donne des idées pour travailler la lumière, la couleur ou la composition. Mes cours d’histoire de l’art à l’école du Louvre m’ont donné un bagage culturel ; grâce à des professeurs de grande qualité, j’ai découvert l’art dans le monde ; cela n’a pas de prix.

Je suis aussi sensible à l’œuvre de Steve McCurry , grand photographe voyageur et portraitiste, grand maître du courant coloriste.

La nature est aussi une de mes sources d’inspiration : elle nous invite à être humble et patient. C’est une source d’inspiration inépuisable car la nature est constamment changeante.

« Dévoiler le patrimoine naturel et culturel d’un pays »

  • Votre nouveau livre de photos se concentre sur l’Algérie. Pourquoi avoir choisi ce pays comme sujet principal de votre ouvrage ? Qu’est-ce qui vous a attiré vers ce projet ?

Mon dernier livre paru aux éditions GEORAMA s’intitule effectivement Algérie une histoire millénaireet ce n’est pas un hasard. 12 chapitres, 156 pages, plus de 200 photos… Le titre rappelle que l’Algérie est au carrefour de nombreuses civilisations qui s’y sont succédé : les Phéniciens, les Romains, les Vandales, les Turcs, les Espagnols, les Français. Dans ce pays, le patrimoine est exceptionnel, mais méconnu : il y a à la fois le désert, la mer Méditerranée, les montagnes, des sites archéologiques, des vestiges du passé de toute beauté, des villes ou il fait bon vivre comme Oran et Constantine. J’ai voulu mettre cela en avant, faire découvrir ces merveilles. En 2022 l’Algérie a fêté les 60 ans de son indépendance. A cette occasion, j’ai eu l’envie de réaliser un beau livre, j’en ai parlé avec mon éditeur qui accepté.

  • L’Algérie est un pays que vous connaissez bien. Quel rôle la découverte de ce pays a-t-elle joué dans votre propre parcours personnel et professionnel ?

J’ai eu la chance de pouvoir me rendre en Algérie plusieurs fois auparavant et de l’explorer du nord au sud, d’est en ouest. La première fois, c’était en 2009 ; les éditions du Jaguar m’avait missionné en tant qu’auteur pour effectuer la mise à jour d’un guide L’Algérie aujourd’hui. C’est là que je suis tombé en amour avec ce pays magnifique.

  • Pouvez-vous nous parler du concept et du contenu de ce livre ? Quel est le processus créatif derrière ce livre ? Comment avez-vous sélectionné les images et quelle histoire souhaitiez-vous raconter à travers elles ?

La collection « Regards sur notre monde » des éditions GEORAMA a pour objectif de montrer au grand public le patrimoine naturel et culturel d’un pays. Or j’ai remarqué en maintes occasions que peu de personnes connaissent le patrimoine de l’Algérie. Lorsqu’on parle de ce pays, c’est souvent sous un angle politique ou économique, rarement d’un point de vue culturel. Or il y a de nombreux trésors dans ce pays, des trésors cachés. Depuis quelques années, l’Algérie ouvre timidement ses portes aux touristes ; de nombreux lieux historiques comme le palais à Alger ont été restaurés. Mais il reste encore beaucoup à faire. C’était le point de départ du livre. Quant au choix des images, il a été douloureux. Il faut se rappeler que l’Algérie est un pays immense ; sa superficie fait quatre fois la France. Il est impossible de tout traiter dans un livre de 156 pages. Il a donc fallu synthétiser, sélectionner les photos parmi plus de 5000 images. Un très gros travail.

  • Quels ont été les principaux défis rencontrés lors de la création de ce livre ?

Lorsqu’on va en Algérie, comme dans tout pays dans le monde du reste, il y a des règles à respecter. On ne peut pas tout photographier ; pour des raisons de sécurité, il est par ailleurs conseillé de partir avec une agence de voyage et un guide, notamment dans certaines régions comme le désert. Cela a parfois orienté mes choix. Autre impératif : mettre en évidence les grands sites culturels mais aussi des lieux moins connus.

  • À qui cet ouvrage s’adresse-t-il ?

Ce livre s’adresse à tous ceux qui ne connaissent pas l’Algérie, à ceux qui ont le projet de s’y rendre, qui vont y aller ou qui y sont allés, à ceux qui n’iront pas mais qui voyageront en tournant les pages de ce livre. C’est en cela une invitation au voyage, un hommage à un des plus beaux pays du monde.

Ce livre s’adresse aussi aux franco-algériens qui se rendent en Algérie et qui veulent approfondir certaines connaissances sur l’histoire et sur le patrimoine culturel d’un pays au patrimoine remarquable. Ils peuvent d’ailleurs en être fiers.

  • Quelle place occupe l’écriture par rapport à la photographie dans votre démarche créative ?

Les deux activités l’écriture et la photographie ont beaucoup de points communs. Photographier c’est écrire avec la lumière, c’est exprimer une émotion, raconter une histoire. C’est une autre manière d’écrire.

« Faire aimer et comprendre un pays »

  • Vous êtes également guide de voyages, emmenant des groupes de personnes découvrir des pays lointains. Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce rôle de passeur de cultures ?

En tant que guide-accompagnateur, j’ai toujours pris en charge des petits groupes limités à 12-15 participants pour des associations ou des agences de voyage qui ont une éthique, qui sont respectueuses des peuples et de l’environnement. J’ai commencé à la FUAJ puis j’ai travaillé avec Nouvelles Frontières, ADEO et ARVEL. Aujourd’hui j’accompagne des groupes pour Autentika voyages. Il y a un esprit d’aventure, de découvertes. Je m’occupe des réservations d’hôtels, des transports, parfois je suis aussi chauffeur et je conduis le minibus. Il faut être polyvalent, avoir des qualités humaines, être toujours attentif à la sécurité, savoir gérer un budget et gérer un groupe. Ce n’est pas forcément facile mais c’est passionnant. J’aime transmettre ma passion et mes connaissances pour un pays.

  • Vous avez voyagé dans de nombreux pays à travers le monde. Y a-t-il un moment ou une destination qui a particulièrement marqué votre parcours et influencé votre vision artistique et professionnelle ?

Depuis quelques années, je me suis spécialisé sur l’Indonésie et le Japon, dont je pratique les langues. Je me documente régulièrement sur ces pays en me rendant par exemple au musée Guimet ou au musée Cernuschi pour voir des expositions ; j’assiste à des conférences, je lis des romans, des livres d’histoire. Apprendre une langue, c’est apprendre une culture. J’aime les pays qui ont une forte culture mais qui conservent un certain mystère. C’est ce qui m’a poussé à m’intéresser au Japon. C’est un pays qui ne ressemble aucun autre, avec une certaine attirance pour tout ce qui est éphémère. Dans ce pays qui est souvent sujet à des catastrophes naturelles, on prend pleinement conscience de la valeur de la vie, de ce qui est important et de ce qui ne l’est pas. Prendre le temps de regarder, de rêver, de méditer.

  • Comment parvenez-vous à rendre chaque expérience unique et immersive ?

En tant que guide-accompagnateur, j’essaye de transmettre mes connaissances, de faire aimer et comprendre un pays. Je me suis constitué un réseau dans certains pays, notamment en Indonésie et au Japon. A chaque fois que j’y vais, je contacte des guides locaux, des chauffeurs, des artistes qui travaillent avec moi régulièrement. Cela permet au groupe que j’accompagne de faire de connaissances, de rencontrer des locaux. Parfois, nous visitons des associations humanitaires comme à Danang au Vietnam ou à Calcutta en Inde ou à Salvador de Bahia au Brésil et le groupe peut échanger et dialoguer avec des personnes défavorisées, des enfants des rues. Voyager ce n’est pas que visiter des lieux touristiques, c’est aussi essayer de comprendre comment vit la population.

« Apprendre une langue, c’est apprendre une culture ».

  • Vous enseignez le Français Langue Etrangère, notamment dans différentes antennes de l’Alliance Française ; vous êtes également examinateur. Qu’est-ce qui vous a poussé vers ce type d’enseigement ?

Ce qui me plaît dans l’enseignement du FLE, c’est d’abord d’enseigner à un public d’étrangers, un public très varié. Dans une classe, on peut avoir jusqu’à 10 nationalités différentes, un véritable métissage culturel ou chacun échange avec l’autre. J’enseigne, je transmets mes connaissances dans la langue et la culture français mais je m’enrichis aussi beaucoup. C’est passionnant. Comme j’ai beaucoup voyagé, je connais souvent le pays et parfois la langue des apprenants, ce qui est un plus notable.

Mes étudiants sont souvent très motivés ; ils ont fait le choix d’apprendre la langue française souvent pour vivre et travailler en France. C’est très stimulant et c’est un véritable bonheur pour moi de les voir progresser. Apprendre une langue, c’est aussi apprendre une culture. Les deux sont indissociables, « les deux facettes d’une même médaille » pour reprendre les termes de Benveniste.

  • L’interculturalité semble être un fil conducteur dans toutes vos activités. Comment définiriez-vous ce concept et pourquoi est-il important pour vous ? Comment pensez-vous que le voyage et la photographie peuvent favoriser le dialogue interculturel ?

Pour moi l’interculturalité implique des échanges réciproques. Il y a le mot « culturel » précédé du mot inter (entre). L’interculturalité c’est le dialogue entre les cultures. Aujourd’hui, le problème est que les gens n’osent plus se parler. On a peur de l’autre. Or c’est en dialoguant, en pratiquant une démarche interculturelle qu’on peut contrer les stéréotypes et les préjugés. La notion d’interculturalité englobe le processus de contact culturel mais aussi le métissage des cultures et des langues. La diversité linguistique et culturelle est un enrichissement permanent.

« Il faut être polyvalent »

  • Quelles sont vos prochaines ambitions ou projets, que ce soit en tant qu’auteur, photographe, guide ou enseignant ?

En ce qui concerne la photographie, je travaille depuis maintenant trois ans sur le thème des jardins japonais, au fil des saisons. C’est une réflexion sur le temps qui passe, la prise de conscience de l’éphémère. En effet, les arbres en fleurs, que ce soient les cerisiers, les glycines, les pruniers représentent la beauté éphémère de la vie et nous invite à prendre conscience de notre présence éphémère sur terre.

C’est un travail ambitieux que je compte terminer dans le courant de l’année 2025 en publiant un livre sur le sujet. Une exposition est également envisagée pour le printemps 2025, au centre culturel Tenri, une association culturelle franco-japonaise. Il s’agit de photographies noir et blanc que j’ai réalisées autour de l’œuvre de Shigemori Mirei, un paysagiste et créateur de jardins secs.

  • Avec l’évolution constante du monde de la photographie et des voyages, comment envisagez-vous l’avenir de votre travail ?

J’ai appris la photographie à l’époque de l’argentique. Comme je vous l’expliquais au début de cet échange, à cette période on faisait très attention avant de prendre une prise de vue car les pellicules photos coûtaient chères : il y avait 36 vues, avant d’appuyer sur le bouton, on faisait attention à soigner son cadrage, à la lumière, à tout ce qui se passait aux bords de l’image. Aujourd’hui avec le numérique, les photographes ont tendance à appuyer le plus possible sur le bouton. Cela a considérablement impacté la profession, la manière de travailler. Aujourd’hui, tout le monde s’improvise photographe, prend des photos avec son smartphone. Devant cette multitude de photos, il devient difficile de faire le tri. Avec l’intelligence artificielle, je pense que le métier de photographe va encore évoluer. Ce qui est sûr, c’est qu’il est difficile de vivre actuellement de la photographie. Il faut avoir plusieurs métiers et être polyvalent.

Quant au métier de guide, il a peut-être plus d’avenir. Les gens voyagent beaucoup plus que dans les années 1990-2000. Depuis une dizaine d’années, le tourisme de masse se développe considérablement. On consomme du voyage. Les gens disent « j’ai fait la Grèce, j’ai fait le Japon », expression qui montre bien qu’il faut avoir vu le plus de pays en le survolant. On se prend en photo devant un monument et on poste sa photo sur Instagram pour dire « j’y étais ». Ce n’est pas du tout ma conception du voyage.

J’essaye au contraire de m’immerger dans un pays, de m’y intéresser et d’approfondir mes connaissances dans différents domaines : géographique, culturel, architectural, artistique, littéraire. Cela demande du temps : c’est ce que j’essaye de faire avec le Japon et l’Indonésie. J’ai suivi des cours à l’INALCO, je suis diplômé en indonésien, en japonais. Je vais voir des expositions, je lis beaucoup de livres et je m’informe constamment sur l’actualité culturelle de ces pays. Bref j’en fais une spécialité. Et je partage mon expertise avec les voyageurs que je guide. Et je pense qu’il y a une demande pour ce type d’approche qualitative.

1000 fois merci et plus encore à Fred Soreau pour son temps et ses réponses.

Pour en savoir plus sur ses livres, ses photographies, son actualité, n’hésitez pas à consulter son site web Studio F.Soreau.

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Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com