Reflet d’artiste / Georgette Lemaire : lettre à une protopunk qui s’ignore ?

Chère Georgette, me pardonneras-tu jamais d’avoir tant tardé à l’écrire, cette chronique de notre rencontre ? C’était fin avril 2014 ; huit mois pour relater cet entretien … ça craint vraiment, non ? Nulle feignasserie, mais au sortir de cette heure et demi d’échange à bâtons rompus (bâtons de la taille de baobabs, précisons-le), un grand enthousiasme, suivi d’un vide rédactionnel terrible : comment retranscrire ces impressions, ce parcours, ce mental sans tomber dans la bio pré-nécrologique ou le pathos musical où mes camarades en médiattitude se plaisent à te cantonner, toit l’incantonnable ?

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Non franchement tu mérites mieux, mieux que ce concert de louanges éplorées devant « l’artiste foudroyée », mieux que les appels à l’aide racoleurs pour soutenir une carrière soi disant brisée. Parce que tu n’es pas ça, Georgette. Jamais. Tu es tout l’inverse. A la seconde où je te vois, éclate l’image de l’ancienne gloire de la chanson française, blonde jeune fille dont les reflets platine illuminent les pochettes de disque vintage d’un sourire de starlette ingénue (un truc que tu détestes, les princesses, ce n’est pas ton truc).

Exit l’allure de petite fille sage et angélique qui chante le vide de l’amour, « A quoi ça sert d’avoir 20 ans » ou « Des millions d’amoureux », dehors le profil de Nicoletta qui entonne « Vous étiez belle, Madame », même la filiation vocale avec Piaf reste sur le tapis tandis que tu tailles un short à l’industrie musicale et ses faux semblants. Eprise de réel, fan de polars et de films de mafieux, admiratrice de Brando, Dewaere ou Pacino, lectrice assidue des horreurs humaines depuis l’Inquisition jusqu’à la Shoah en passant par la Commune, tu observes les vicissitudes de l’Homme et c’est grand dommage qu’on ne te les ait jamais fait chanter.

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Ce n’est pourtant ni le professionnalisme ni l’exigence qui manquent, tes passages en studio et sur scène sont toujours synonymes de perfectionnisme, volonté normale pour la grande adepte d’Aznavour que tu es, une artiste venue à la musique par hasard pour appredre les bases du métier avec George Brassens, Enrico Macias, Joe Dassin, Alain Barrière, … Un beau palmarès épaulé par les indéfectibles Jacques Martin et Pascal Sevran qui toujours te mirent en avant là où les médias te boudaient, probablement dérangés par ton franc parler et ta gouaille toute parisienne. C’est que la dame est volubile et n’a pas sa langue dans sa poche quand il s’agit de souligner les défaillances du système.

Disons-le, Georgette, tu pourrais très bien, de par ta mentalité et ton regard sur le monde, revendiquer le statut de proto punk, toi que les producteurs ont cantonnée dans un registre guimauve quand il t’aurait fallu des textes de contestation, une poésie engagée et militante, des riffs enragés et des tambours de guerre. La chose saute aux yeux et aux tympans quand on écoute les morceaux d’Inoubliable, l’un de tes récents albums, où tu mêles ta voix intacte malgré les ans aux guitares électriques et aux cadences modernes. « Incertitudes », « London ferry », C’est l’après », « Gill John » … le potentiel est énorme, implosif et riche de possibilités, qui dépasse même l’excellent Paris Jazz où tu entonnes la capitale, « Mademoiselle de Paris », « La Bohème » (Aznavour mon amour), « Pigalle », « Sous les toits de Paris » …

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Amatrice de Barry White, Ray Charles et Otis Redding, quand donc plongeras-tu dans le hip hop, le slam, la soul, ces mouvances de banlieue qui conviendraient tant à la réaliste que tu es ? Vite, vite, que l’un de nos rapeurs te compose un morceau, emboîtant le pas à Sanseverino qui fut suffisamment inspiré pour travailler avec toi. Pas assez lisse pour la variété et le tout venant musical, ne doutons pas que tes aspérités, ta spontanéité et ta franchise conviendront à un Oxmo Puccino, pourquoi pas également un Mathias Malzieu, un Benabar, un Arthur H ? Bref de belles rencontres qu’il conviendrait d’initier pour nous éblouir à ta juste valeur.

Et plus si affinités

http://www.georgettelemaire.com

Padme Purple

Posted by Padme Purple

Padmé Purple est LA rédactrice spécialisée musique et subcultures du webmagazine The ARTchemists. Punk revendiquée, elle s'occupe des playlists, du repérage des artistes, des festivals, des concerts. C'est aussi la première à monter au créneau quand il s'agit de gueuler !