Alors j’étais partie pour évoquer l’expo Louis de Funes … et puis je suis tombée sur le documentaire consacré au Dune de Jodorowsky. Alors évidemment … y a eu comme un léger changement au niveau éditorial. Parce qu’il faut bien l’avouer, Jodorowsky’s Dune participe pour beaucoup de la légende.
Une véritable croisade
La légende … Nous sommes à la césure des années 70. Réalisateur pour le moins barré de El topo etLa montagne sacrée, le chilien Alejandro Jodorowsky est contacté par le producteur parisien Michel Seydoux pour tourner l’adaptation ciné du roman de sci-fi Dune de Franck Herbert. Jodo ne l’a jamais lu, mais il fonce. Et pour l’aider dans ce qui va devenir une véritable croisade, il rassemble une équipe hors du commun : Moebius, Chris Foss, H.R.Giger, Dan O’Bannon. Rien que ça.
Devant la caméra, il veut Orson Welles, Salvador Dali, David Carradine, Mick Jagger, Udo Kier … et les obtient. Pour la musique, il se tourne vers Pink Floyd et Magma. Tous s’investissent dans ce qui va devenir une mission sacrée … qui ne se concrétisera jamais. Les producteurs américains sont enthousiasmés par la qualité du story-board qu’on leur envoie. Tout est prêt, il n’y a plus qu’à lancer le tournage. Mais ils disent non. Tous, les uns derrière les autres. Ils refusent de financer.
Jodo l’ingérable
Car c’est trop. Trop cher, trop grand, trop visionnaire, trop absolu. Et Jodo quand à lui est ingérable, indomptable. Résultat : le projet ne se fait pas. Et pourtant il avait tout pour devenir un mythe cinématographique … ce qu’il est du reste. Et le documentaire tourné par Frank Pavich y contribue qui donne à voir les centaines de planches du fameux story-board (il n’en reste que deux dans le monde) s’animer, prendre vie, suivre les mouvements de caméra, les focales …
Un truc de fou ! Une dinguerie pure, une démence de points de vue, dans les costumes, les situations, du pur Jodorowsky, avec une dimension presque prophétique, une énorme frustration … surtout quand vous décidez, une fois le documentaire bouclé, de visionner le Dune de Lynch qui vous reste en travers de la gorge comme une version édulcorée, fade, sans épaisseur, sans saveur, sans audace … Trop propre, trop pauvre, trop conventionnel, hollywoodien quoi …
Récit épique et picaresque
Quelle déception … et quel triomphe ! Car, de ci de là, des passages évoquent étrangement les visions illustrées de Jodo, visiblement pillées par les scénaristes. Sa démesure a essaimé dans l’esprit des créateurs, s’échappant des bureaux de prod pour aller inspirer George Lucas dans Star Wars, Ridley Scott pour Alien … tous les grands chefs d’œuvre du cinéma d’anticipation, en somme. La BD aussi va s’en abreuver.
Bref Jodorowsky’s Dune est à voir pour se plonger dans un récit épique et picaresque à la fois, une aventure presque démiurgique, alimentée par des témoignages saisissants, dont ceux de Jodorowsky lui-même, qui s’offre au passage une véritable master class sur l’implication absolue de l’artiste qui doit tout sacrifier à son œuvre, surtout quand elle est vouée au néant.
Et plus si affinités