Pour sa dixième édition le festival June Events initié par Carolyn Carlson, a ouvert ses portes. La première soirée le 3 juin dernier fut un beau moment de danse aux multiples couleurs. Après Next couple et 55, voici inaudible.
Dans la pénombre en avant scène, on distingue un amas de corps. Les uns dans les autres, ils se meuvent doucement cherchant tels des animaux à se fondre dans l’autre. Toujours à la recherche d’un espace où se glisser, d’un contact à maintenir. Lorsqu’on les perçoit, les visages sont expressifs. Vêtus de matières et couleurs improbables, les six danseurs finissent par se dégager les uns des autres et sortent de scène. A leur retour, tout peut commencer. Ils prennent place au fond du plateau en ligne et avancent petit à petit comme dans un jeu d’enfants. Ils sont drôles et beaux dans leurs éclatants costumes, mettant en avant leur singulière personnalité.
Thomas Hauert, fervent admirateur et interrogateur du rapport danse/musique, questionne une fois encore et pour notre plus grand plaisir, avec inaudible, cette subtile relation jamais inépuisée. S’appuyant sur des partitions musicales existantes le Concerto en fa de George Gershwin et Ludus de Morte Regis du compositeur contemporain Mauro Lanza, il décline écritures chorégraphiques et improvisations structurées. Accompagné de six danseurs, tous exceptionnels Fabian Barba, Liz Kinoshita, Albert Quesada, Gabriel Schenker et Mat Voorter, Thomas Hauert nous livre ici un pur moment de danse et bien plus encore.
Prenant le contre-point du mickeymousing (principe présent dans les films d’animation, où chaque événement est souligné par la musique dans une synchronisation parfaite), les danseurs suivent la musique sans en perdre une note. Leurs mouvements sont conduits par les partitions de Gershwin et Lanza. Le langage chorégraphique prend alors des formes complètement inattendues, où la précision et la technicité ne font jamais défaut. Où la jouissance et le jeu sont omniprésents.
En solo, duo, trio ou en groupe, les danseurs développent un langage personnel constitué de règles du jeu que l’on discerne ou qui nous échappent, c’est selon. Quelle jubilation de voir par la perception, ou non, des règles et contraintes, l’espace de liberté que s’approprient les danseurs, les chemins qu’ils prennent, les voyagent qu’ils opèrent. Ils nous offrent ainsi des sensations incroyables, des émotions pas toujours fréquentes en danse contemporaine.
La jouissance avec laquelle ils s’engagent dans ce jeu, dans cette invitation à suivre la musique au plus près, entraîne le spectateur dans une joie insoupçonnée. L’envie de rejoindre les danseurs décuple au fur et à mesure des scènes. L’exploration du cadre défini, la curiosité des interprètes permettent de rendre compte de ces multiples possibilités de rencontre entre danse et musique. Le corps passe du vide au plein, de la tension au relâché, du chaos à l’ordre, les couleurs et potentiels sont multiples et sans fin. La recherche est permanente.
La perception de la musique engage le danseur dans des voies intuitives, renouvelant par la-même nos propres perceptions. D’autres lectures, d’autres visions s’offrent à nous. Toute sensation et réception des compositions musicales ouvrent un nombre incalculable de portes. Chaque danseur s’évertue à en choisir une puis une autre, laissant libre cour à sa danse, sans censure. Des choix s’expriment, des revirements de situations s’opèrent, des connexions se font, ou pas. La qualité de recherche vers laquelle Thomas Hauert entraine ses danseurs est magique.
inaudible, comme son titre ne l’indique pas, rend la danse audible, intelligible, sonore, intelligente. On ne peut être que touché par cette générosité et cette force exploratrice qui mène le chorégraphe et ses danseurs. La puissance de ce groupe permet d’abolir le quatrième mur et d’inclure le public dans cette partition renversante.Exceptionnel.
Et plus si affinités
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