Céline Schaeffer et Valère Novarina invités par Guy-Régis Junior, le directeur de la compagnie haïtienne Nous Théâtre, présentaient dernièrement à La Maison de Métallos, L’acte inconnu. Une pièce écrite par Valère Novarina lui-même, créée lors du festival d’Avignon de 2007. Avec six comédiens et un musicien de sa troupe, Guy-Régis Junior entreprend cette collaboration, cette re(é)création, où la langue de Novarina s’empare des corps, et fait écho avec énergie et folie au monde actuel. Que ce soit Le Bonhomme Nihil, le Coureur de Hop, Jean qui corde, Raymond de la matière, La Machine à dire beaucoup, Irma Grammatica, Le Déséquilibriste et autres compagnons de route, tous les personnages de L’acte inconnu rugissent cette langue matière, cette langue corps, propre à l’auteur, essayiste et metteur en scène franco-suisse.
Dans une mise en scène sobre, les interprètes, qui n’ont de cesse d’entrer et sortir du plateau, s’interrogent sur cette faculté humaine de se tenir debout. Ils se délectent par le verbe, mettent en exergue les comportements de nos semblables, face au pouvoir, face à la mort, face au religieux. Tout sujet est prétexte à discussion. La langue, seule chose qui nous distingue des animaux, est maniée dans tous les sens, par tous les corps. Elle prend son pied, se décharge, s’épanche, s’éructe joue des matières. Elle est chantante, vociférante, ordonnante, jubilatoire, expiatoire… jusqu’à parfois dépasser celui qui s’en délecte. Les mots de Valère Novarina n’ont rien de commun avec ceux qu’on a l’habitude d’entendre. Les noms propres des villes comme des hommes sont facétieux, loufoques et créent ainsi des corps qui ne le sont pas moins.
Valère Novarina : « j’ai toujours pensé le théâtre comme un foyer, un enclos où brûler le langage, comme l’arène où dépenser, où jeter à l’air libre toutes les effigies humaines faites de mots. »*L’acte inconnu est bien ce foyer dont parle le metteur en scène, et les comédiens ceux qui veillent à ce qu’il ne s’éteigne jamais. Il y a dans cette pièce une vibration permanente due à la mise en corps, la mise en bouche de cette langue mais aussi à l’appropriation de ce texte par les interprètes. L’oralité caractérisant la société haïtienne et les mots de Valère Novarina font œuvre commune. La rencontre est saisissante de justesse.
Et on ne s’y trompe pas lorsque l’on voit et entend les comédiens y plonger avec fougue. On entend dans L’acte inconnu la langue de Novarina avec une telle énergie et puissance qu’il serait idiot de se passer de ce plaisir théâtral mêlant histoires personnelles à la grande histoire humaine. Ne pas plier, rester debout, font partie des nombreuses sensations et invitations envoyées par ces comédiens incarnant magnifiquement ce verbe, et dont l’écho résonne bien plus longtemps qu’à la simple sortie de la pièce.
*in Valère Novarina, les mots éclaireurs, de Philippe Barthelet, édition Pierre Guillaume de Roux.
Et plus si affinités
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