4eme édition du Festival du documentaire sur ARTE : l’occasion de visionner Limites de l’américaine Marta Prus qui suit l’entraînement de la gymnaste russe Margarita Mamun à quelques mois des JO de Rio 2015.
Entraînement, dressage, supplice … les mots manquent pour qualifier ce que cette gamine de 19 ans prend en pleine tête afin d’atteindre le degré d’excellence requis à ce niveau de compétition. Autour d’elle, outre ses copines de l’équipe qui sont aussi ses rivales, sa coach particulière, Amina Zaripova, et Irina Viner, l’entraîneuse officielle de la team nationale.
Un pur produit de l’ère soviétique qui manie l’insulte en mode knout, harcèle ses protégées à la cosaque, les traite de manière ignoble, les écrase psychologiquement avant de les embrasser car elles ont réussi leur chorégraphie … « mais tout de même, ce bras, plus tendu, enfin ! Tu ne m’écoutes, tu n’en as rien à foutre, tu es une merde ! » Régime d’humiliations quotidiennes qui semble pourtant porter ses fruits puisque la dame moissonne les médailles !
L’épanouissement personnel ? Fuck off. La confiance en soi ? Le rayonnement ? L’éclat ? Le plaisir ? Cela n’entre pas en ligne de compte, seuls importent les centièmes de points obtenus pour chopper la place la meilleure, la breloque, en or de préférence. Et les petites gymnastes de plier l’échine, de sacrifier leur vie de famille, de mettre de côté cet égo pourtant indispensable pour révéler ce je ne sais quoi qui fait la différence. Car du talent elles en ont, Margarita comme les autres, mais jamais assez, jamais assez. Du coup, on les matraque, sans une once de psychologie.
Ne nous y trompons pas : comme les danseurs, les gymnastes doivent contraindre leur corps, toujours le pousser, améliorer la posture, peaufiner le geste, poursuivre l’excellence. Et là pas de secret, seul le travail compte. En cela, les deux coachs s’accordent. Reste la méthode. Et l’entraînement à la russe, héritage des grandes heures soviétiques, relève du conditionnement le plus absurde et le plus violent qui soit. A chaque séquence, on a envie de gifler ce dragon, d’attraper ses affaires et de sortir. On s’étonne que la gamine ne le fasse pas.
Persuadée que c’est le prix à payer ? Par delà cet exemple concret, c’est toute une logique du management et de la formation qui est ici mis en question, et qui n’est pas propre à la Russie, loin s’en faut. C’est un burn out qui se met en place sous nos yeux, tandis que la petite ravale ses larmes à chaque nouvelle brimade. Les parents ? Absents. Écartés du circuit. Une autorité quelconque pour superviser et contrôler ? Surtout pas. Le calvaire continue, qui pousse à la démission, avec un sentiment de culpabilité, de nullité épouvantable.
Limites est à voir comme une lecture d’un système spécifique certes, mais il interroge aussi la manière dont on peut amener quelqu’un à trouver et dépasser ses limites. Physiques, mentales, émotionnelles. Ici le process fonctionne … une fois. La gymnaste médaillée abandonne le sport quelques temps après. Championne olympique … et totalement lessivée, vidée, vampirisée. Ecoeurée. La question alors se pose : la méthode était-elle la bonne ?
Et plus si affinités