Et quel berceau… Comme son nom ne vous l’indique pas si vous êtes né.e dans les années 90 ou pas forcément au fait de l’histoire de notre pays, Constance Guichard-Poniatowski se situe à la jonction de deux grands clans de la droite. Gaulliste par son père, l’un des conseillers du grand Charles et ami intime de Pompidou, elle épouse un fils Poniatowski gravitant dans la proximité de Giscard d’Estaing. C’est cet univers qu’elle dévoile au fil de son récit, mêlant souvenirs de jeunesse et analyse pointue d’un paysage politique désormais révolu.
Portrait d’un homme de l’ombre
La photo illustrant la couverture de cette geste à la fois précieuse et tout en nuance parle d’elle-même, Constance en robe de mariée, son époux souriant, elle réservée face à un VGE affable, à ses côtés Olivier Guichard, un père passionné de politique, viscéralement serviteur de l’État, qui fit passer sa vie de famille et ses obligations de papa au second plan pour servir le grand Charles. Constance dépeint ce père si secret avec beaucoup de clairvoyance, un certain humour et un soupçon d’amertume. Idem pour une maman fantasque qui dut se contenter de ce mari fantôme et infidèle. Comme elle le révèle sans fard : “Nous restons bouche cousue depuis toujours sur tout ce qui tourne autour de l’argent et de l’intime, sexe et sentiments, deux zones interdites qui s’accroissent au fur et à mesure que je grandis”.
Car Olivier Guichard était volage, amateur de belles et bonnes choses, fidèle néanmoins à son camp, ses amis, ses compagnons d’armes. Un baron noir, un homme de l’ombre qui trima longtemps avant de prendre sa place officiellement sous les ors de la République, comme conseiller, comme ministre, comme député. De souvenir en anecdote, Constance raconte ce père adoré, mais absent, ainsi que cet entourage familial, amical et professionnel au milieu duquel elle grandit, timide et gauche, discrète, observatrice.
Une autre conception du pouvoir
Et fine dans ses analyses d’enfant, d’adolescente, de jeune femme. décryptant chaque silence, chaque réaction, chaque attitude, chaque vacherie, car on ne s’épargne guère dans ce climat de complicité et de rivalité. S’appuyant sur les écrits de ses proches, les livres de son père, sa correspondance, son journal, elle recoupe ses trouvailles avec les réflexions de comparses en politique pour donner à voir la mutation des modes de gouvernance au fil de la Vᵉ République, alors qu’apparaissent Chirac, Mitterrand… Et de souligner le lent glissement de la politique vers le spectaculaire du vide et de l’inconsistance.
Guichard et ses amis savaient se taire quand il faut, citer les grands auteurs, les poètes, les artistes avec autant de bon sens que de culture. Des amoureux de la langue qui refusaient de s’abaisser à employer certains recours : “le succès d’un homme politique tient à la réserve qu’il s’impose face à certaines méthodes”. Bref, une autre conception du pouvoir et des obligations qu’il engendre, des devoirs qu’il impose. On peut ne pas être de ce bord politique, ne pas adhérer à ces valeurs. Il n’en demeure pas moins que l’élégance affichée par Guichard et ses compagnons tranche avec le disruptif way of life qu’on nous vend aujourd’hui à longueur de posts instagram. Putassier, racoleur et sans aucun fondement.