Cartier, Chanel, Ferragamo, Gucci, Hermès, Louis Vuitton, Rolls-Royce : sept noms prestigieux, sept grandes maisons de luxe portées à bout de bras par des familles dotées du génie de la création et des affaires : voici les parcours hors normes que Yann Kerlau détaille dans son livre Les dynasties du luxe. Avec force détails et anecdotes, l’auteur, issu lui-même de ce milieu puisqu’il a travaillé pendant une quinzaine d’années chez Gucci et Yves Saint-Laurent, évoque comment ces empires se sont forgés, puis comment ils ont été démantelés. Bijouterie, haute couture, chaussures, maroquinerie, sellerie, bagagerie, automobile : peu importe le domaine de prédilection, ces entreprises ont beau avoir des personnalités singulières, elles suivent toutes des parcours de développement assez semblables.
Un fondateur parti de rien
Il y a d’abord un fondateur parti de rien ou presque ; animé d’une volonté farouche et de la conviction qu’il ou elle (la seule femme de la liste est Coco Chanel, la création de ces grandes maisons étant un privilège masculin) choisit la bonne voie, il/elle apprend son métier sur le tas, s’imposant progressivement d’abord comme une référence de qualité, ensuite comme un innovateur puis comme un visionnaire. Ce fondateur pose le socle de la maison, ses principes de fabrication, ses modes de sélection et d’exigence, sa manière de travailler, le goût du beau, de la qualité.
Les enfants et les petits-enfants, plus éduqués, vont défendre ce patrimoine tout en le développant et en le modernisant. Il va falloir anticiper les grandes mutations technologiques et sociales, protéger les structures de productions des aléas du temps, décès, guerres, sursauts politiques, deviner les besoins à venir d’une clientèle huppée en constante demande, voire changer de clientèle, ajouter aux princes les stars du cinéma, tout en ouvrant une partie des produits aux bourses moins garnies.
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Conquérir le monde
Et puis il faut aussi conquérir le monde, se positionner en force aux USA et en Asie, multiplier les points de vente, tout en mariant les héritiers à des bons partis qui rehaussent le prestige de la famille, apportent de nouveaux marchés… et ne déséquilibrent pas les décisions des conseils d’administration qui ont lieu en vase clos. Conserver une cohésion familiale avant tout, pour que la propriété de l’entreprise ne soit pas mise en question, et qu’on garde la main sur les stratégies et les décisions.
C’est en général là que le bât blesse, vers les années 70/80, quand la croissance de ces maisons implique d’ouvrir le capital en bourse. En effet, les requins de la finance veillent au grain pour acquérir ces joyaux afin de rehausser leur gloire : le livre revient avec régularité sur les ruses mises en place par LVMH et PPR pour prendre le contrôle de toutes ces enseignes qui ont finalement échappé aux mains de clans pourtant avertis du danger. Quitte à trahir leur âme sur l’autel du rendement ?
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L’avenir des jeunes marques de luxe ?
Sorti en 2016, Les dynasties du luxe décortique les astuces des nouveaux propriétaires pour redonner un coup de jeune à ces marques iconiques : miser sur un jeune créateur en vogue auquel on associe un directeur commercial sans scrupule. La digitalisation qui métamorphose un peu plus ces marques ? Kerlau n’en parle que très peu et c’est bien dommage car on aurait aimé découvrir son analyse. Ce qui est clair, c’est que :
Toutes ces maisons célébrissimes sont le fruit du génie de quelques personnalités d’exception, d’une combativité incroyable.
Elles ont préservé leur âme au fil du XXeme siècle malgré les crises et les conflits.
Elles ont été avalées par la globalisation financière, ne pouvant soutenir seules cette croissance frénétique imposée par l’économie.
Cela donne à réfléchir sur l’avenir des jeunes marques de luxe, qui se multiplient dans le sillage d’Instagram. Plus confidentielles, elles renouent avec les débuts de ces légendes. Sauront-elles tirer les enseignements de ce récit ? À l’heure où la crise climatique menace, où la décroissance s’impose d’elle-même, l’avenir du luxe n’est-il pas dans un retour aux sources : parcimonie, rareté, exception ? À méditer en parcourant ces sept histoires fondatrices.
Et plus si affinités
Pour en savoir plus sur le livre Les dynasties du luxe, consultez le site de l’éditeur Perrin.