Je ne vous le cache pas, le visionnage du film Spencer m’a un brin secouée. Assister au supplice mental d’une Lady Di rongée de paranoïa et d’anorexie n’était pas un spectacle des plus sympathiques. Le réalisateur Pablo Larrain ayant clamé qu’il n’avait pas conçu son film comme un biopic, je me suis demandée ce qui, dans ce portrait douloureux, tenait de la fiction et de la vérité. N’étant pas une férue du gotha, j’ai consulté la très vaste bibliographie consacrée au destin funeste de la princesse des cœurs. Un titre m’a frappée : Qui a tué Lady Di ? Racoleur, tiré par les cheveux, putaclic ? Dubitative, j’ai attaqué la lecture du bouquin de Jean-Michel Caradec’h… et je l’ai bouloté en une journée. Ce que j’y ai découvert m’a laissée sans voix.
Zoom sur le parcours spectaculaire d’une personnalité controversée
En 250 pages menées tambour battant, ce grand reporter passé entre autres chez Paris-Match, VSD et L’Express, récompensé du prix Albert-Londres, revient sur la mort de la princesse Diana un 31 août 1997 dans le tunnel de l’Alma. Sa remarquable enquête évoque les circonstances exactes de l’accident, son contexte spécifique, ses retombées à court et long terme. L’occasion par ailleurs de repositionner cette tragédie dans le parcours pour le moins spectaculaire d’une personnalité controversée, dont les éclats ont mis à mal l’image de la couronne britannique en de multiples occasions. Pour faire court, Diana a, dès son apparition dans le sillage du prince Charles en particulier et de la famille Windsor en général, fichu un bordel sans nom en refusant de jouer les faire-valoir.
C’est ainsi que Caradec’h retrace la « guerre des Galles » opposant Lady Di, son époux et la maîtresse de ce dernier, un conflit mis en lumière par les tabloïds qui vont en faire leurs choux gras, tout comme les éditeurs friands de publications à scandale. « Squidygate », « Camillagate », les confidences sexuelles de tout ce petit monde sont révélées en couverture des magazines people, et l’image impassible de la monarchie britannique en prend un sacré coup dans l’aile. Vengeance de femme bafouée vs passion adolescente d’un prince interdit d’aimer : ce serait si simple. Caradec’h fait voler le conte de fées en éclat, mettant par ailleurs en évidence comment Dodi Al-Fayet s’est retrouvé mêlé à cette histoire, sous la férule d’un père avide de s’imposer dans l’aristocratie anglaise qui l’avait si souvent rejeté.
La société du spectacle portée à son paroxysme
Une foire aux Vanités, ni plus ni moins, avec Diana trônant en son centre, à la fois victime et dénonciatrice d’un pouvoir ancestral qu’elle va contribuer à remplacer par un autre : celui des mass médias, qui privilégie l’émotionnel extrême au lieu du rationnel distancé. Délibérément provocateur, le titre Qui a tué Lady Di ? dénonce le climat complotiste qui a entouré le décès finalement banal d’une princesse sanctifiée alors qu’elle était tout ce qu’il y a de plus humain. Les détails de sa désincarcération, l’examen clinique de ses blessures, la description des soins d’urgence apportés, son autopsie nous rappellent qu’elle était faite de chair et de sang, tout comme ceux qui l’accompagnaient ce soir-là.
Écrit 20 ans après sa disparition, le récit de Caradec’h met en évidence l’exploitation posthume de cette mort, la commercialisation intensive et lucrative développée autour de cette icône. Son regard, précis comme un coup de scalpel, se veut critique de cette société du spectacle portée à son paroxysme : c’est un business méprisable que le journaliste dénonce à chaque ligne, un business de l’affect et de l’irrationnel qui ne peut se contenter d’admettre l’enchaînement de circonstances et de décisions déplorables ayant engendré ce désastre. Personne ne sort grandi de cette histoire tellement rocambolesque qu’elle en deviendrait risible si elle n’avait pas coûté la vie de trois personnes et eu autant de retombées néfastes.
Documentaire : Murdoch, le grand manipulateur des médias … des politiques et des consciences
Pour sûr, les mots de Caradec’h vont déplaire aux adeptes du complot comme aux fans enamourés de Diana. Ils ont néanmoins le mérite de nous ramener les pieds sur terre, d’une manière objective, sans prendre parti pour les uns ou les autres. Chacun en prend pour son grade dans ce panier de crabes dépourvus de la moindre dignité. Les flots de fleurs, d’ex-voto, les pleurs, les témoignages de deuil n’y changeront rien : le destin a souvent des traits d’une banalité à pleurer.
Et plus si affinités
Pour en savoir plus sur le livre Qui a tué lady Di ?, consultez le site de l’éditeur Grasset.