Il y a cinq siècles environ, un bébé naissait dans une petite ville de la campagne anglaise. Fils de gantier, cet enfant fut prénommé William. Un enfant prédestiné que le fils de Master Shakespeare, puisque futur homme de théâtre chéri du public londonien, de la cour d’Elisabeth Iere puis de Jacques Ier, promis à la postérité et au rang d’auteur universel. Shakespeare…, le grand Will…, le Barde, … aujourd’hui encore mystérieuse lumière qui continue de nous effrayer et de nous grandir avec son théâtre sublime d’humanité.
Déclarations d’amour épistolaires
Outre Manche, célébrer l’anniversaire de cette plume hors pair, consacrée auteur national, est normal. Dans l’hexagone, les commémorations se font plus discrètes, nous sommes la patrie de Molière, mais elles existent néanmoins, ainsi ces Lettres à Shakespeare, déclarations d’amour épistolaires réunies en un recueil par la présidente de la Société Française Shakespeare, Dominique Goy-Blanquet, angliciste émérite et professeur d’université elle-même passionnée par l’univers du Barde.
Michel Autin, Georges Banu, Hélène Cixous, Raphaël Enthoven, François Ost…, ils sont seize ici à témoigner de leur attachement, de leur reconnaissance, relatant comment ils ont rencontré Shakespeare, ce que son verbe, ses intrigues leur ont apporté, comment il a magnifié leur imaginaire, modifié leur perception du monde, de l’art, de l’écriture, des cultures, de la pensée et de la créativité comment parfois il a déclenché vocation, curiosité et cet amour presque inconditionnel qui transpire à chaque mot.
Des richesses complexes et ambiguës
Tous sont professeurs d’université, auteurs, traducteurs, analystes, chercheurs…, ils explorent le labyrinthe shakespearien depuis des décennies parfois, tirant leur propre sève de ses fantasmes et de ses rêves comme Macbeth ou Prospero, deux figures emblématiques du répertoire. Lectures, discussions, mises en scène, les souvenirs, les références fusent, les questions aussi et ce sont les plus riches de sens. Tous, au moment de s’adresser au grand homme, perdent la rigueur de l’enseignant et de l’intellectuel pour faire parler leur cœur. Tutoiement respectueux, vouvoiement déférent, tous sont humbles devant le patrimoine transmis par l’auteur, dont, depuis Baudelaire cité en épilogue, ils se sentent les dépositaires et les vecteurs, entre scène de théâtre, publications, colloques et salles de classe.
Conscients de cette mission, ils en laissent transparaître les difficultés et les apports, avec émotion, reconnaissance, ironie parfois. Ainsi l’histoire passionnante de l’ancrage shakespearien en France, via les romantiques, Victor Hugo en tête, qui inaugurèrent une odyssée d’un siècle pour que Shakespeare prenne dûment sa place dans nos théâtres. Ainsi la récurrence obsessionnelle d’ Hamlet comme miroir insondable des richesses complexes et ambiguës du dramaturge. Ainsi la force de vers faisant acte de maximes, ciselés comme des joyaux, que l’esprit retient au travers du temps pour la force percutante d’une signification découlant d’un instinct, d’une perception diffuse de la vérité humaine.
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Un absolu en devenir
Il y a fort peu de chance pour que Shakespeare lise ces lettres de son au-delà, mais nous, nous les lisons, pris dans les charmes de l’énonciation épistolaire, nous nous identifions aux différents éléments de la magie dramaturgique, au spectateur, au metteur en scène, au traducteur, à l’acteur, à l’enseignant…, à l’auteur lui-même enfin qui clôt cette correspondance en écrivant du purgatoire sous la plume empruntée de Robert Ellrodt, se retrouvant soudainement dans la position du spectre d’Hamlet.
Mises en abyme, corrélations, contradictions, sentiments communs, perceptions divergentes, ce recueil vaut pour le tableau qu’il dégage de l’impact séculaire et métaphysique d’un auteur qui excède de loin les limites de l’espace scénique pour pénétrer nos consciences et les alimenter par delà les âges, de questions et de songes. L’ensemble vaut d’être parcouru pour cerner un éphémère instant un absolu en devenir.`
Et plus si affinités
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