Comment le roman rend-il compte de l’Histoire ? Comment l’Histoire influence-t-elle l’écriture romanesque ? Voici les deux problématiques qui légitiment Les Romans de la Révolution. Sous la direction d’Aude Déruelle et Jean-Marie Moulin, tous deux professeurs d’université spécialistes du XIXeme siècle et de la représentation de la société dans la littérature, un ensemble de chercheurs se sont penchés sur le sujet. Et leurs analyses sont passionnantes.
Révolutions : le plein d’inspiration ?
1789-1799 : en une décennie, la France met un terme à l’Ancien Régime. Dans l’allégresse, dans la ferveur, dans la concentration, dans la concertation, dans la violence, dans le sang. Après la Révolution, plus rien ne sera comme avant. Cette mutation de l’Histoire va influencer les consciences, transformer les perceptions, la vision du monde, des destinées, des droits et obligations de chacun.
Reflet du monde, le roman en toute logique va se saisir du phénomène et le raconter. Le sujet est pétri de convulsions, d’angoisses et d’engagements, la période a amené les hommes au pied du mur et de l’échafaud. Personne n’a échappé à la déferlante et ses excès. De quoi nourrir bien des péripéties, des introspections, des remises en cause, des choix douloureux, des deuils insurmontables.
Raconter le fait révolutionnaire ?
Observer les personnages plongés dans pareille tourmente : bien sûr, les auteurs de fiction, romanciers en tête, se sont pris au jeu, alors même que la monarchie se détricotait sous leurs yeux. Le mouvement ne fit que s’amplifier au XIXᵉ siècle, lui-même agité de fièvres sociales contestataires et meurtrières. L’âge d’or de l’écriture romanesque ne pouvait ignorer pareille opportunité, avec ses Hugo, ses Dumas, ses Stendhal, ses Balzac, tous nés dans le sillage du grand changement.Les Romans de la Révolution scrutent ces métamorphoses.
Raconter le fait révolutionnaire, rendre compte des épisodes glorieux et tragiques qui s’enchaînent au cours de cette période ; restituer le débat politique et social et ses enjeux ; traiter d’une idéologie en pleine construction, de son impact sur les consciences ; choisir les registres romanesques idoines ; façonner les personnages qui traversent cette tempête ; organiser la chronologie et le rapport à la temporalité dans ce type de récit… les angles d’attaque sont multiples, riches et passionnants.
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Préserver la vérité ou la trahir ?
Au travers de cette étude, on comprend mieux la façon dont la littérature romanesque intervient dans l’inconscient collectif pour enraciner une vision sociale. De divertissement, le roman devient acteur politique, par accident ou volontairement. Scrutant avec concentration l’énorme production de cette époque, les différents auteurs de ce livre pertinent approchent chefs-d’œuvre et livres mineurs avec la même attention.
Objectif : démonter, autopsier ce corpus afin d’en mesurer l’impact sur l’imaginaire populaire. En filigrane, il s’agit de saisir comment la fiction a modelé la perception d’un fait historique d’envergure, comment elle l’a mythifié le cas échéant, comment elle l’a transmis. Comment elle a participé à la construction, à la diffusion d’une Mémoire. Et s’interroger si elle en a préservé la vérité ou si elle l’a trahie.