Auteur d’un nombre conséquent de polars à succès, Donato Carrisi s’est singularisé par une série d’ouvrages explorant le parcours de Marcus et Sarah. Dit comme ça, cela ressemble à une bluette romantique. De fait, les trois romans qui composent cette tétralogie en devenir (car il y aura certainement d’autres opus à ajouter à cette geste) nous plongent dans les méandres les plus noires de l’âme humaine.
Le rôle des pénitenciers
- Le Tribunal des âmes (Il tribunale delle anime) 2011
- Malefico (Il cacciatore del buio) 2014
- Tenebra Roma (Il maestro delle ombre) 2016
Des titres parlants, dans la langue de Molière comme dans celle de Dante. Dante, omniprésent à chacune de ces pages infernales où l’obscurité est striée de sang. Un sang pas toujours innocent du reste, et qu’il convient de juger. C’est le rôle des pénitenciers. Des prêtres formés spécifiquement par le Vatican pour traquer les crimes les plus odieux, dont ils reniflent la trace via le secret de la confession.
Marcus et Sarah
Marcus fait partie de cet ordre ô combien occulte, qui survit depuis des siècles dans l’anonymat le plus total. Anonyme, Marcus l’est, effacé, inexistant, amnésique mais traînant les séquelles d’un passé clairement torturé. Ignorant de lui-même, il est LE pénitencier idéal, voué corps et âme à sa mission de profiler de Dieu. Et il ne manque guère de missions à accomplir, toutes plus effrayantes les unes que les autres.
Sarah, elle, est photographe pour la police scientifique. Elle possède un œil perçant, apte à saisir le moindre indice, la plus petite anomalie sur une scène de crime. Intelligente et belle, elle croise la route de Marcus, devient une alliée occasionnelle. Et possède un passé aussi difficile que lui, dont elle se souvient au quotidien et c’est ce qui fait le malheur de cette héroïne martyre. Tous deux vont devoir affronter mystères et dangers, dans un climat particulièrement irrespirable.
Le cœur de la Chrétienté
Celui de Rome, la Ville Éternelle, siège de la Papauté, cœur de la Chrétienté, et dont la lumière céleste, les palais magnifiques et les églises attirent le Mal de toutes parts, jusque dans la proximité physique du Pontife. Indéniablement, Rome est le troisième personnage clé de ces aventures inspirées du réel. Romancier, journaliste, scénariste, réalisateur, Carrisi a commencé sa carrière avec une thèse consacrée à un tueur en série italien.
C’est donc en connaisseur qu’il déroule la psyché d’assassins particulièrement horribles dont les trajectoires se croisent, se superposent, d’un livre à l’autre. Voici pourquoi il convient d’aborder cette saga dans le bon ordre, car l’action, d’un tome à l’autre, se complète, s’affine, se complexifie, de même le destin des héros, leur relation. Et les criminels qu’ils doivent traquer dans une opacité qui n’est pas qu’intellectuelle, en témoigne le dernier opus en date, qui plonge Rome dans une atmosphère à la American Nightmare.
Les limites du Bien et du Mal
Et puis il y a les pénitenciers, que l’auteur a pu rencontrer In Real Life, un notamment dont il évoque le parcours au terme d’un de ses ouvrages. La volonté documentaire est là, appuyée par des analyses, des interviews en annexes. Ces pages constituent une plongée fascinante et réaliste dans les arcanes vaticanes, avec leurs conflits d’intérêt, la course au pouvoir, la volonté de contrôler les consciences, de discerner le péché, de pardonner, de punir. Le tout dans une atmosphère digne des gialli mis en scène par Dario Argento.
Intrigues complexes, jeux de piste insoutenables, tout chez Carrisi est baroque, les personnages, le suspense, l’architecture majestueuse des églises romaines, les néons qui strient la nuit romaine. Chaque tome est une invitation au suspense et à la méditation. Quelles sont les limites du Bien et du Mal ? Sont-elles fixes ? Fluctuantes ? L’ensemble, comme tout bon polar qui se respecte du reste, offre un terrain d’entraînement à l’observation mais aussi à la connaissance, l’atout majeur de ce binôme hors normes et tout à fait attachant.
Et plus si affinités