Notre conseil lecture de la semaine est un doublon, deux petits livres, Les petits secrets des marques et La fin de la com’. Ces deux ouvrages se font face pour nous parler des différents visages d’une même réalité à savoir le secteur du marketing et de la communication. Et cette lecture en écho est aussi passionnante que révélatrice.
Pourquoi lire ces deux ouvrages ?
«Papa, quand je serai grand, je ferai du marketing ». Bim, votre progéniture vient de vous assommer avec ce choix de carrière énoncé au petit dèj’ entre un bol de céréales et une tasse de cacao brandés à mort : il va falloir maintenant assumer. Assumer le passage en études supérieures dans une des nombreuses écoles (privées et onéreuses, bien entendu) s’autoproclamant meilleur cursus pour devenir LE communicant du futur, le combat pour s’imposer dans le digital marketing, les stages chronophages et épuisants en agence où votre pitchoune se fera exploiter sans pitié. Tout ça pour ne pas savoir grand-chose sur les réalités d’un domaine en profonde mutation et pas forcément ouvert à l’emploi à l’heure d’une concurrence féroce, d’une crise de l’énergie et de la concurrence des IA (qui sauront bientôt écrire un communiqué de presse bien mieux que les pros).
Bref votre ado n’est pas sorti du sable ! S’il croit devenir le prochain Marcel Bleustein-Blanchet (fondateur de Publicis, bande de bleuzailles, si vous ignorez ça, n’entrez même pas dans le game, vous vous condamnez à une carrière aussi courte que pénible à faire des cafés en essuyant les sarcasmes de vos prétendus collègues) ou concurrencer les grands influenceurs du moment sur un claquement de doigt avec son compte Insta dédié à sa passion de la fast fashion, il s’apprête à une grosse désillusion et le burn-out qui va n’avec. Voilà pourquoi il a tout intérêt, avant de cocher la case « Études de communication » sur Parcoursup, à consulter ces deux bouquins que je m’en vais vous présenter. Cela le mettra un brin au parfum de ce qui l’attend. Et n’hésitez pas à en faire autant, histoire d’améliorer votre culture générale.
Les petits secrets des grandes marques – We Are Com & Les Jumelles – Dunod
Comme son titre l’indique, Les petits secrets des grandes marques évoque… les petits secrets des grandes marques, je vois que ça suit bien dans le fond. Une foultitude d’anecdotes croustillantes sur le pourquoi du comment d’entreprises iconiques, qu’il s’agisse de firmes alimentaires, automobiles, vestimentaires, On y apprend entre autres comment le peintre surréaliste Salvador Dali est intervenu dans la création de la Chupa chup (mais oui!!!), le fight sonore entre Harley-Davidson et Honda, l’origine de Reebook et des vitrines de Noël… entre deux micro-chapitres, des jeux, des devinettes, illustrations…
C’est ludique, jovial, complice. C’est surtout rédigé par l’agence We Are Com, mis en image par Les Jumelles (et édité par Dunod). Deux noms du secteur qui nous transmettent leur enthousiasme pour la créativité propre à la pub’ tout en nous dévoilant le dessous des cartes, entre gestation complexe du logo, aléas du naming, prise de tête de l’event, constitution alambiquée des argumentaires de vente, évolution des gammes de produits, mise en place du storytelling. De quoi prendre gentiment conscience des réalités d’un métier complexe où il faut jouer d’inventivité pour sortir du lot et s’imposer dans l’esprit du consommateur comme une valeur sûre.
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La fin de la com’ – Arnaud Benedetti – Les éditions du Cerf
Changement de registre avec La fin de la com’ signé Arnaud Benedetti. Ce prof de fac enseigne l’histoire de la communication à la Sorbonne. Autant vous dire que le ton change radicalement. Fini la mignonitude « bisounours on s’aime tous la com’ c’est rigolo » du livre précédent. Là on passe aux choses sérieuses, à savoir l’origine de la com’ (et du marketing donc, les deux sont liés) moderne, qui nous vient des USA, avec un zoom vertigineux sur le quatuor fondateur Lasker – Lee – Bernays – Hill… à eux quatre, ces gars vont mettre en place la logique de la communication de masse. « Quatre comme les quatre cavaliers de l’Apocalypse » dixit un Benedetti qui décortique comment ces messieurs vont manipuler leur monde au propre et au figuré, usant des neurosciences pour rendre le consommateur docile, qu’il s’agisse de se mettre à fumer ou de partir se faire trouer la peau dans les tranchées de la grande Boucherie.
Où l’on apprend donc que l’homme politique est un produit comme un autre, qu’on peut fourguer aux électeurs comme de la lessive à une ménagère de moins de 50 ans, que la communication moderne pose les bases d’un despotisme light, que les rouages du consentement reposent sur la loi des 3V : vitesse, viralité, visibilité… surtout à l’heure du tout digital qui a proprement fichu en l’air la com’ de papa pour engendrer la sarabande ingérable du social media entre émotivité, manque de recul, infobésité… Et une petite mise au point qui s’imposait : si pubards, communicants, médias et politiques s’associent pour diffuser une idée de la vie rêvée des anges, il s’avère que dans la vraie vie, ce n’est pas la même tisane.
Résumons : ces deux petits bouquins, bien écrits, clairement et sans chichi, se lisent vite, sans accroc, pour donner à voir deux approches d’une même réalité, deux niveaux d’analyse, l’un passionné, l’autre critique. De quoi mettre les choses au point, peut-être susciter des vocations, en tout cas étayer les avis.