En 1958, Roger Caillois écrit une étude des plus intéressante intitulée Les jeux et les hommes où il s’interroge sur notre rapport presque vital au ludique.

Il y élabore une définition du jeu en plusieurs points. Pour être ludique, une activité doit être :

• Libre c’est-à-dire librement choisie et non pas imposée ;
• Déterminée dans le temps et l’espace ;
• Imprévisible puisqu’on en connaît pas le résultat ;
• Sans aucune finalité de production de biens (même un jeu d’argent est échange de richesses) ;
• Soumise à réglementation spécifique ;
• Rattachée à une fiction.

A partir de là, les jeux se répartissent en quatre catégories :

• Les jeux de compétition
• Les jeux de simulacre
• Les jeux de hasard
• Les jeux de vertige

Oui mais ça c’était en 1958. Depuis de l’eau a coulé sous les ponts, une eau appelée jeu vidéo, puis numérique. Avec l’avènement de l’internet et de l’informatique qui dictent aujourd’hui leurs lois, joue-t-on aujourd’hui comme on jouait il y a un siècle ? Jeu de société, de stratégie, d’éveil ???? Qu’en est-il exactement ? Nos jeux modernes nous désocialisent-ils, transformant le moindre gamin en sociopathe en puissance ?

Un discours que nombre de personnes aiment à défendre … et que l’expo proposée par la Gaîté Lyrique fait imploser en un parcours malicieux, riche de surprises, d’enseignements et de rencontres. Oui de rencontres car les différents étages du théâtre (sans compter le pourtour) désormais dédié aux cultures numériques ont été transformés/aménagés pour impliquer ses visiteurs dans un cheminement où l’interactivité est reine. Et les crises de rire aussi.

Joue le jeu : été 2012 à la Gaîté lyrique from La Gaîté Lyrique on Vimeo.

Difficile pour celui qui pénètre l’endroit de ne pas très vite se retrouver pris dans l’ambiance. Marelle géante, planètes qui s’illuminent et s’animent en fonction de nos mouvements, pièce où les sons allument les plots d’un mur de varappe : il y en a pour tous les goûts dans ces 9500 m². Et ça marche : les visiteurs se parlent, rient ensemble en ratant leurs manipulations, échangent leurs impressions en attendant que la prochaine animation soit libérée par leurs prédécesseurs.

On aime, on en redemande, c’est physique, cela demande de l’observation, de la réactivité, de l’analyse, une grande part d’imaginaire aussi, au milieu de ces formes, ces sons, ces couleurs. Le royaume des sensations donc avec au milieu des petits bouts qui expliquent aux grands « comment ça fonctionne » avec un brin de fierté et un grand sérieux que même les animateurs n’ont pas.

A retenir plus particulièrement :

Electricity Comes from Other Planets

Electricity Comes From Other Planets from Fred Deakin on Vimeo.

Crée par Fred & Company en collaboration avec open Frameworks, cette installation occupe tout un mur de la mezzanine et le métamorphose en instrument musicalo-visuel hautement inventif. Vous sautez/marchez/courez sur des capteurs installés au sol et les planètes accrochées au mur s’animent, se colorent, se sonorisent, se défragmentent. Cela tient du jeu musical, du casse tête, de la marelle aussi. C’est collaboratif, dramatique, et vraiment très drôle à faire.

Kit Operette

Presque normal dans ce théâtre tenu par Offenbach : il fallait un espace dédié à l’opérette. Les visiteurs y composent leur propre partition, ajoutant sons et voix au fur et à mesure qu’ils manipulent les différents modules, les accessoires et les costumes pendus là. On resterait des heures à tester les possibilités de cette installation créée par le collectif canadien Daily tous les jours.

Interférence

Electricity Comes From Other Planets from Fred Deakin on Vimeo.

Ce jeu de dame vertical a été pensé par le concepteur de jeu Eric Zimmerman et l’architecte Nathalie Pozzi. On aime la beauté, l’esthétique, l’inversion des plans, le tout pourrait être aussi bien un décor qu’un tableau, une sculpture. –

Surtout ne vous arrêtez pas à ces choix, le jeu est vécu à plusieurs mais demeure une expérience personnelle. Aussi allez à la Gaité Lyrique, prenez deux-trois heures de votre temps pour vivre ce parcours par vous-même, les animations, les conférences, les ateliers, les tournois qui l’agrémentent.

Et n’oubliez pas en passant d’une anim à l’autre comme des gamins joyeux : toutes ces installations pourraient bien révolutionner la créativité artistique, si ça n’a pas déjà commencé.

L’avenir nous le dira ???

Et plus si affinités

http://www.gaite-lyrique.net/theme/joue-le-jeu-ete-2012

Série Long live the Geek !

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com