C’est un véritable bijou, monument du théâtre de boulevard et pur bonheur à regarder, à plus d’un titre. Écrite en 1893 par un Victorien Sardou particulièrement inspiré, la comédie Madame sans Gêne relate les mésaventures d’une grande dame du peuple de la période napoléonienne, ici interprétée par une autre grande dame du peuple, Jacqueline Maillan. Et la rencontre de ces deux caractères est pour le moins explosive.
Se faire entendre sans faire de chichi
Il faut dire que Catherine Hubscher, blanchisseuse de son état, mariée à un grognard, ne manquait guère de tempérament ni de coffre, et savait se faire entendre sans faire de chichi. Consciente de ses origines, elle ne les renia jamais, même devenue maréchale d’empire. Et cela lui valut quelques ennemis, rebutés par ses manières populaires et son franc parler, dont elle faisait montre devant Napoléon lui-même, qui l’appréciait fort, dit-on. Un personnage haut en couleurs donc que Jacqueline Maillan endosse avec l’abattage et la faconde qui lui sont propres.
Pleine de vie, de bon sens, le cœur sur la main
Deux heures durant, sous la direction d’un Michel Roux extrêmement efficace, elle traverse la Révolution, devient amie avec le comte de Neipperg qu’elle sauve du massacre des Tuileries, épouse son sergent, se retrouve parachutée à la Cour de Napoléon après avoir reprisé ses chemises pendant qu’il était encore caporal, apprend à marcher avec une robe à traîne, remet en place les grandes dames de la famille impériale, s’amuse avec les généraux dont elle fut la camarade de combat, sauve de nouveau Neipperg qui s’est fourré dans une sale histoire … bref la dame est indispensable. Pleine de vie, de bon sens, le cœur sur la main. Mais il ne faut pas la chicaner, sinon gare !
Exercice de voltige
La Maillan bien sûr excelle dans cet exercice de voltige, alternant farce, tendresse, mélancolie, dans une véritable leçon de jeu qu’elle seule était capable de dérouler. Et sans recouper l’interprétation qu’en avait fait Arletty dans la version filmée de 1941. Autour d’elle, une farandole d’acteurs qui s’amusent comme des petits fous dans le sillage de cette fée marraine survoltée, parmi eux l’excellent William Sabatier et Alain Mottet. La mise en scène datée de 1973 est toujours aussi énergique et farfelue, les costumes de Roger Hart en mettent plein la vue, bref c’est exactement le genre de pièce dont on a besoin pour se rebooster le moral !