Maitre Puntila, riche propriétaire tourné vers la bouteille, vit des moments de profondes amitiés avec son valet. Ce dernier l’accompagne dans toutes ses expériences, le raisonne et parfois même le sauve. Ces deux protagonistes que tout oppose se retrouvent pour dénoncer par leur attitude l’oppression, la richesse, l’absurdité.
Guy Pierre Couleau nous avait enchantés en 2009 dans ce même théâtre de la Croix Rousse avec Les Justes de Camus et Les Mains sales de Sartre. Dans la même portée didactique, c’est l’univers de Brecht qu’il nous fait découvrir ce soir. Ce dramaturge allemand, est alors en exil en Finlande lorsqu’il réécrit la pièce d’Hella Wuolijoki pour « mettre en relief le contraste entre maitre et servant ».
La performance des acteurs est remarquable, 3h15 sans entracte, à se donner à corps perdu sur scène. Cependant la visée didactique de Brecht nous échappe un peu, le burlesque l’emporte, mais ne soyons pas si snob, Brecht voulait une pièce du peuple et c’est ce que Couleau a réussi à faire. Pourtant ne tombe-t-on pas parfois dans trop d’exagération ? Trop de vulgarité, trop de faux retournements de situation, trop de clichés ? Nous cherchons souvent la subtilité au risque de nous perdre.
Une question pourtant semble suivre toute l’œuvre, l’acoolisme de Puntila. Un médecin verrait là une addiction induisant une macrocytose, une élévation des Gamma GT, une hypoalbuminémie, une augmentation de l’amylase et de la lipase … Ici, pour l’écrivain l’alcool révèle la vraie nature de Puntila. Comment un homme peut il être si différent au point de tomber quasiment dans la schizophrénie ? Sans écrire ici une ode à la boisson, Brecht nous pose néanmoins certaines questions : est-on vraiment soi quand on a bu ? Peut-on voir la sobriété comme une maladie ? On ne cherche pas à savoir si Puntila est un homme bon ou pas. Comme son valet, on accepte ses deux personnalités et on s’adapte, il n’y a ici aucun jugement de valeur, simplement le désespoir d’un individu se réfugiant dans la boisson.
Ce texte de comédie par son ironie met en place une révolte. Maitre Puntila et son valet semblent s’illustrer comme deux consciences politiques. En effet nous savons que Brecht a dénoncer le nazisme de son pays. Comme dans Les justes, on peut aussi y voir un réel appel à la révolte. « Un beau maître ils en auront un dès que chacun sera le sien ». Loin de l’oppression, en outre passant l’autorité et les hiérarchies, Brecht appelle par cette formule d’auto suggestion à une société sans classe.
Nous retiendrons donc l’esthétisme des femmes, si belles avec leur couronne de fleurs au moment des fiançailles. Un vrai beau moment de théâtre ! Entre les scènes, l’allemand d’origine refait surface pour des chants lyriques. La visée didactique aussi intéressante soit elle est à ne pas oublier. 3h10 de légèreté, de liberté, de frivolité.
Photographies : Agathe Poupeney
Et plus si affinités
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