Aujourd’hui, nous vous invitons à vivre une expérience muséale poignante, comme nous en avions rarement rencontré jusqu’à présent. C’est au Musée de la Grande Guerre du pays de Meaux que nous avons découvert les entrailles de la Grande Boucherie. Et ce furent des heures intenses.
Quatre années de sang, d’horreur et de mutations
On n’a pas encore pénétré dans l’énorme édifice aux allures de bunker imprenable que déjà, on est pétrifié par le bruit : des haut-parleurs diffusent le fracas des bombes, les cris des troupes montant à l’assaut, les hurlements des blessés, les hennissements des chevaux affolés. L’immersion débute, et elle va être étouffante. Avant d’aborder les différents actes de cette tragédie planétaire, on commence par mesurer comment on en est arrivé à Sarajevo et à la déclaration de guerre : les mécanismes qui ont enclenché la Première Guerre Mondiale trouvent leur raison dans un terrain politique, social et mental particulièrement revanchard. La Grande Boucherie naît clairement de la débâcle de 1870, avant de porter en son sein le fascisme et la Seconde Guerre Mondiale.
Entre les deux, quatre années de sang et d’horreur, de profondes mutations également. Uniformes, techniques de combat, armements, médecine d’urgence, chirurgie plastique : c’est une guerre totale qui est ici documentée avec minutie ainsi que le quotidien des soldats, la vie à l’arrière, la manière dont les civils durent s’adapter. Progrès ou régression, chacun son point de vue, mais cette approche à la fois interactive et pédagogique offre l’opportunité et de comprendre, de mémoriser, et de sentir. Très bien pensée, croisant documents, affiches, objets, vêtements, vidéos, cartes, la scénographie permet de nous plonger dans cette période, d’en percevoir les vibrations, la menace, l’écrasement.
Une démesure aussi pathétique qu’hallucinante
On évalue la réalité du terrain, la démesure de cette destruction en marche : les salles dédiées aux armes sont sidérantes, on y détaille la fabrication des obus, les techniques de bombardement… ou l’usage de masses d’arme dignes du Moyen-Age. Avancée technologique et barbarie : un blindé à chenille surgit presque à la verticale d’une tranchée reconstituée où mitrailleuses et caisses de grenades s’enfoncent dans la boue séchée. Ce positionnement presque en apesanteur est hallucinant, bien plus parlant sur la violence à l’œuvre que la présence bien sage du même char dans un hall d’honneur du Musée des Invalides. À Meaux, le tank est en situation de combat, on s’attend à le voir bouger, à entendre son moteur, le cliquetis des chenilles, le grondement de ses canons, la déflagration quand il lance ses obus.
Autre temps fort, les mannequins qui accueillent les visiteurs à l’entrée du parcours, des silhouettes blanches, spectrales, arborant les uniformes des différents belligérants, des différents corps d’armée. À la fin de la visite, ils sont encore là, mais mélangés, plus de différence entre les Allemands, les Français, les Anglais, les Américains, tous marchent ensemble, égaux dans la mort et dans nos mémoires. Juste avant, des stèles funèbres blanches rappellent comment on enterrait les défunts, un mannequin vêtu de noir illustre comment les femmes portaient le deuil des pères, des maris, des fils, des frères tombés au combat. Et puis il y a les troupes coloniales, forcées à venir se faire tuer dans les tranchées du nord, dans le froid, la pluie. L’ensemble est aussi passionnant que pathétique.
Et c’est ce qu’il faut retenir de ces quatre années de sang et de fureur. Elles ne servirent à rien, sinon à engendrer une démence encore plus dévastatrice. C’est ce sentiment d’aberration qu’on ressent à chaque pas, dans ce musée bouleversant dont le récit d’une exactitude terrifiante donne le vertige.
Et plus si affinités
Pour en savoir plus et préparer votre visite, consultez le site du Musée de la Grande Guerre du pays de Meaux.