Bon ce n’est pas le tout de monter un partenariat avec Music LX, il serait peut-être temps de vous en parler plus en profondeur. Car jusqu’à présent vous n’aviez eu idée de l’activité musicale luxembourgeoise qu’au travers du Luxembourg sounds like organisé au Nouveau Casino fin janvier. Nous avions alors interviewé le programmateur Benoit Maume qui avait exposé la valeur de cette scène riche, créative, méconnue mais réactive, en témoigne le succès foudroyant du groupe Aufgang. Une mise en lumière galopante via les actions intensives orchestrées par Music LX sous la férule de Patrice Hourbette.
Oui, oui, il s’agit bien du papa du Bureau export français, qui en bon globe trotter qu’il est, a passé la frontière et pris en main le développement d’un bureau export local adapté aux besoins d’une scène extrêmement prolixe. Parachuté partout dans les grandes capitales mondiales, le concert Luxembourg sounds like n’est que la partie émergée d’un iceberg culturel plein d’idées et d’initiatives. Festivals, sorties d’album, signatures sur des labels importants, rencontres, concerts, valorisation de groupes, site web, Facebook mis à jour régulièrement (sur The ARTchemists, on a même du mal à suivre dans le relai des infos tellement il y en a) : ce foisonnement résulte d’une politique culturelle ambitieuse, qui n’est pas sans rappeler ce qui se passe actuellement à Dunkerque 2013, en Belgique ou en Hollande.
Alors que nous préparons nos valises pour partir le 16 mai explorer le festival Food for your senses dont le line up se compose de groupes luxembourgeois pour la plupart, mêlés à des anglais, des danois, des suédois, bref un panel complet de la prod musicale régionale, il était temps de donner la parole au principal intéressé, à savoir Patrice Hourbette qui a pris le temps de répondre à nos questions pour nous offrir un tour d’horizon complet !
Présentez-vous ? Quelle est votre formation ? Votre parcours ?
Je suis Patrice Hourbette, directeur de music: LX, le bureau export pour les artistes musique du Luxembourg, Je suis français et j’ai fait des études de français et d’allemand à Lille, et ai eu mon diplôme de prof de français ; au lieu de me mettre à bosser dans mon collège de banlieue, j’ai voulu faire la route, et c’est comme cela qu’un jour j’ai fini par atterrir à Tokyo sans un sou et avec un simple sac à dos. Après quelques péripéties, j’ai fini par donner des cours de français à de jeunes étudiants de français. Et du coup, j’ai presque toujours travaillé hors de France (hormis mes 6 ans à la tête du Bureau Export français à Paris): Tokyo, Hambourg, Amsterdam, Mayence, Berlin, Londres et maintenant Luxembourg. J’avais commencé ma carrière étrangère comme professeur de français puis attaché culturel, mais en 1993, ma vie a définitivement basculé dans la musique et j’ai cofondé avec Jean-François MICHEL le Bureau Export de la Musique Française. Pendant 20 ans j’ai mis toute mon énergie à aider à exporter les artistes français dans le monde et, depuis 2011, ceux luxembourgeois.
Aujourd’hui vous dirigez Music LX : de quoi s’agit-il ?
Il s’agit du bureau export de la musique luxembourgeoise. Il est financé par le Ministère de la Culture du Luxembourg et par la SACEM luxembourgeoise. Il a pour rôle d’aider les artistes de la scène musicale à se développer à l’étranger et à y développer leur carrière. Concrètement, nous les aidons à trouver des labels, des éditeurs, des dates sur des festivals prescripteurs, nous les aidons aussi à faire de la promo etc. ; nous menons aussi nos propres actions pour accroître la visibilité de la scène luxembourgeoise en montant notamment, en 2013, des soirées « Luxembourg Sounds Like… » à Paris, Londres, Hambourg et Tokyo. Nous invitons aussi des professionnels de toute l’Europe sur des festivals luxembourgeois pour découvrir ce pays et sa scène musicale si vivante. En 2012, ce sont plus de 120 pros étrangers qui seront venus ici.
Pouvez-vous nous présenter la scène musique actuelle luxembourgeoise ? Quelles sont ses particularités ?
C’est une scène très rock ! Il y a aussi une grande scène métal. Il commence à y avoir une scène indie. L’électro se développe bien avec quelques groupes phare comme Aufgang, Francesco Tristano DJ, Sun Glitters ou Monophona…Il y a aussi une très belle scène jazz avec une vingtaine d’excellents groupes dont Largo (deux disques chez Warner Jazz), Pascal Schumacher, signé sur le label allemand Enja, Maxime Bender, Reis/Demuth, qui vient juste de sortir son album chez Laborie Jazz. La scène classique est très vivante avec de grands pianistes comme Jean Muller, Cathy Krier, Francesco Tristano signé chez Deutsche Grammophon, ou un ensemble de mandolines baroques : ArteMandoline. Les compositeurs sont aussi bien présents avec notamment Gast Waltzing, qui a écrit la musique de la série sur Canal+ « Maison Close ». Et puis la musique contemporaine n’est pas en reste avec Camille Kerger, Marcel Wengler, Claude Lenners, Catherine Kontz et Alexander Müllenbach.
La scène « luxembourgeoise » est donc très diversifiée et se situe aux croisements de l’Europe et la plupart des groupes luxembourgeois sont en fait composés de musiciens de différentes nationalités.
Comment fonctionne le système repérage/aide aux jeunes groupes ?
Le Luxembourg étant un pays où tout le monde se connaît, cela fonctionne bien et vite. Il y a un établissement public, la Rockhal, dont c’est la mission notamment avec son centre de ressources. Ce centre de ressources les repère via des concours ou sur des festivals, les forme, les accompagne, leur met à disposition coach et salles de répétition. La Rockhal gère un programme dédié, « Multipistes », et soutenu par l’Europe: http://www.multipistes.eu
Quand les groupes sont « export ready », alors music: LX prend le relais et les envoie jouer aux quatre coins du monde…
Y a-t-il des groupes marquants ? Des évènements importants ?
Les groupes marquants sont, entre autres, en musique ROME en dark folk, Mutiny on the Bounty, du math-rock dont l’album est sorti dans toute l’Europe, Aufgang en électro, signé en France chez Infiné et dans le monde chez Warp, Sun Glitters, Francesco Tristano, l’ensemble Lucilin contemporaine. En jazz, je les ai cités dans une réponse précédente. Les évènements importants sont nombreux : le festival international d’Echternach, les festivals de jazz Like a Jazz Machine, Autumn Leaves, Piano Plus, ceux en musiques actuelles comme le Rock-a-Field, le Food For Your Senses et puis aussi un évènement à portée internationale le Sonic Vision, un festival de showcases englobant toute une série de conférences. Je tiens a souligner la présence de deux établissement publics importants comme la Rockhal ou la Philharmonie, qui drainent de très larges publics en provenance de toute la Grande Région.
Quelle est la place du secteur musique dans le paysage culturel luxembourgeois ? Quel budget ? Pourquoi le Luxembourg, qui est un petit pays, a-t-il voulu fonder ce type de bureau ?
La musique est devenue au fil du temps une priorité au Luxembourg, la Culture aussi et ceci est l’œuvre d’une grande Ministre de la Culture, Octavie Modert. Le budget de la musique se situe dans les 26 millions d’Euros et représente en gros un quart du budget total de la Culture. Le budget total de music:LX se monte en 2013 à 470 000€, une somme encore relativement modeste. Paradoxalement le Luxembourg est un grand pays sur le plan politique et culturel, et c’est un français qui le dit… Il s’est doté ces dernières années de toutes les infrastructures culturelles d’un grand pays, dont un passionnant musée d’art moderne, le Mudam, ou une belle scène théâtrale avec le Grand Théâtre. C’est un pays très proche de la France mais aussi très méconnu des français. C’est normal que le Luxembourg se soit doté d’un bureau export car les groupes de musique du Luxembourg ne peuvent pas vivre de leur musique en restant confinés dans leur pays. Ils peuvent jouer maximum 4 ou 5 dates par an au Luxembourg et donc s’ils veulent exister, ils n’ont pas d’autre choix que de s’exporter et, là, la partie devient difficile. En effet, dès qu’ils font plus de 50 km, ils sont tout de suite en concurrence avec les autres groupes internationaux, ou belges, ou français, ou allemands.
On sait que le Nord de la France, le Benelux, l’Allemagne sont très actifs en matière de culture. On parle désormais d’euro région. Comment le Luxembourg se situe-t-il dans cette synergie ?
Le Luxembourg est aussi très actif sur la scène européenne et music: LX aussi. Nous sommes membres de l’Europe Jazz Network et nous participons notamment au projet ETEP (European Talent). Le Luxembourg a par ailleurs une collaboration culturelle très poussée dans le cadre de la Grande Région. Celle-ci regroupe la Lorraine, la Sarre, le Grand-Duché de Luxembourg, la Rhénanie- Palatinat, la Région Wallonne. Cette année en jazz nous allons commencer de nouvelles collaborations avec le Grand Est et notamment l’Alsace.
Mille mercis à Patrice pour sa présentation et à très vite pour vous raconter Food for your senses.
Et plus si affinités