Chaillot a invité en avril 2016 Guy & Roni, duo artistique qui sonne à la façon de Tony and Guy, Sonny and Cher, Laurel et Hardy, etc., augmenté de Slagwerk Den Haag/Silbersee, pour présenter leur propre version du Festin nu (1957) de William Burroughs.
Afin de donner un semblant de structure à leur comédie (dramatique) musicale, les deux chorégraphes ont commandé un livret au poète, dramaturge et “ancien toxicomane” Oscar van Woensel, texte qui nous a bathement été livré sous forme de resplendissants intertitres, en lettres capitales accentuées d’une fine typo, de différentes teintes (avec deux fautes d’othographe en tout et pour tout), qui ont enrichi la scénographie et soutenu la rythmique d’une œuvre à la durée racinienne qu’on ne sent pourtant pas passer.
Pour faire “à la page”, tout au moins comme on l’entendait dans les années cinquante du siècle dernier où se situent l’action et la problématique de l’opus, les acteurs sont déjà là lorsque nous entrons, légèrement en retard sur l’horaire prévu, dans la salle Jean Vilar. Certains comparses sont disséminés dans les gradins. Plus tard, à mi-chemin du parcours, en intermède récréatif ou, comme on dit démagogiquement de nos jours, collaboratif, mutualiste, participatif (tout étant en fait rentré dans l’ordre du spectaculaire ou, du moins, de la démocrtie formelle), le public était à son tour, en revanche ou échange, invité à monter sur scène pour danser le madison.
Malgré la théâtralité et quelques tics “modernes”, voire postmodernes, le mélange des genres, des expressions, des ficelles techniques mais également des trouvailles esthétiques fonctionne à plein, tel un musical, pour ne pas dire un opéra, bruitiste et emballé, démarrant par un tir de balle, s’achevant tragiquement, comme dans la vraie vie de Joan Vollmer, par la conséquence de cet acte insensé, expliqué, sinon justifié, par le deuxième amendement de la Constitution américaine garantissant à tout citoyen le droit de porter des armes, dirait-on, dès l’âge de deux ans – comme ce fut le cas, il n’y a pas si longtemps, du fils de feue Veronica Rutledge.
La pièce, un collage ou “cut up” à la fois audio et visuel, se déroule entre ces deux points. La séance de quatre-vingt-dix minutes tient du psychodrame (de la “blague qui a mal tourné”, comme l’indique un intertitre) ; elle cure sans doute les esgourdes du spectateur; elle lui dilate la pupille, l’espace et le temps comme dans un rêve ou, c’est plus que probable, une hallucination. La balle, dès l’”amorce” tirée, mettra, en “slow motion”, tout ce temps-là à atteindre sa cible. Les flashes de junkie produisent des images d’une réelle beauté, proches des clichés de la photographie stroboscopique d’un Edgerton – on a en tête, précisément, celui d’une carte à jouer traversée par une balle de revolver tirée à plus de 20.000 km/h.
La B.O., une composition de Yannis Kyriades à base de percussions frappées live par Slagwerk Den Haag (Pepe Garcia, Enric Monfort, Frank Wienk), des chants et chansons interprétés par Silbersee (Steven van Gils, Tiemo Wang, Maciej Straburzynski), est poésie sonore intemporelle, un mix entre la musique du groupe seventies de Christian Vander, Magma, et les percus urbaines nivernoises, Les Tambours du Bronx. La comédienne vedette du show, Veerle van Overloop, est remarquable, et polyvalente; le travail sur la lumière (Wil Frikken) et le son (Jannes Noorman, Clare Gallagher) doit être souligné. La chorégraphie joue certes sur l’unisson, ce qui nous contrarie généralement.
La danse (Dunja Jocic, Roni Haver, Angela Herenda de Kroo, Camilo Chapela, Sofiko Nachkebiya, Adam Peterson, Igor Podsiadly), quant à elle, est virtuose. Le public parisien a pu, à cette occasion, découvrir et être épaté par la performance de haute volée de la chouette Sofiko.
Et plus si affinités
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