Nouveau true crime à inscrire au palmarès de Netflix, la série Night Stalker, le Traqueur de la nuit en français, retrace en quatre épisodes la sanglante carrière du violeur récidiviste et tueur en série californien Richard Ramirez qui frappa Los Angeles et San Francisco dans les années 80. Avec un succès évident … et plus ou moins de pertinence.
Exactitude et voyeurisme
C’est bien le problème avec ce genre très spécifique. Restituer l’ampleur d’une enquête dans son exactitude, tout en conservant un minimum d’accroche pour intéresser un public souvent néophyte et, reconnaissons-le, voyeuriste. C’est le principe même du traitement des faits divers, dixit la stratégie éditoriale d’un pionnier du secteur, à savoir la magazine Détective, aujourd’hui rebaptisé Le Nouveau détective, ou le mode narratif de l’émission Faites entrer l’accusé. Dans ce domaine, Netflix n’en est pas à son coup d’essai, loin s’en faut. Mais ce nouvel opus particulièrement musclé présente parmi ses points forts quelques faiblesses d’envergure.
Climat d’angoisse
Rien à dire quant à la restitution du climat d’angoisse instauré par les attaques de ce tueur nocturne insaisissable, qui soulignait la sauvagerie de ses agressions en traçant de démoniaques et sanglants pentacles. Ambiance satanique donc, dans l’esprit de la Famille de Manson, et une énigme redoutable pour des enquêteurs au flair affûté, amenés à recomposer à l’aveugle un puzzle macabre dont ils devinent à peine les contours. Objectif : mettre en évidence l’action d’un assassin en série quand la plupart ne voit initialement que des actes isolés, avec des modus operandi disparates, des profils de victimes dissonants.
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Limiers et journalistes
Autre point fort : la plongée réaliste dans des scènes de meurtres restituées graphiquement à partir des photos des lieux et des clichés des blessures. Également le témoignage des limiers impliqués qui évoquent leur méthode, les problèmes qu’ils ont rencontrés, principalement la concurrence entre les nombreux corps de police qui opèrent en Californie, et l’avidité de journalistes prêts à tout pour faire un scoop, quitte à mettre en péril la traque d’un tueur d’une dangerosité extrême. Et puis il y a la mise en évidence du timing, la fréquence des meurtres apparaissant ainsi de manière évidente ainsi que le rayonnement géographique et l’étendue du terrain de chasse de ce prédateur hors normes.
États d’âme
Et c’est là qu’on aurait aimé plus de détails. Certes, la série signée Tiller Russell est très prolixe au niveau émotionnel, insistant sur la peur panique créée par celui que la presse nommera The Night Stalker. On évoque à longueur d’interviews les états d’âme des témoins, notamment des policiers confrontés à ce phénomène qu’ils ne maîtrisent absolument pas. Nous sommes au tout début des sciences médico-légales et du profilage, rappelons-le, les moyens numériques sont inexistants, l’analyse ADN également. Mais qu’en est-il de la victimologie, essentielle dans ce type d’investigation ? Quid par ailleurs de la psyché du tueur ? Au final, qui est Richard Ramirez, comment est-il devenu ce monstre de violence ?
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Une voix de loin en loin
C’est là que la série pêche, or c’est l’élément essentiel de la mécanique. Qu’est-ce qui a poussé Ramirez dans cette spirale destructrice ? Si on s’attarde sur la fascination qu’il engendre auprès de jeunes admiratrices, aucune allusion n’est faite aux expertises psychologiques qu’il a pu subir. Le réalisateur propose un résumé de son enfance bien sûr, mais rien sur l’origine de son attirance pour le diable, rien sur l’évidente dégradation de sa personnalité (sa saleté, sa vie de vagabond …). Juste sa voix de loin en loin, déformée, amplifiée, extraite d’entretiens dont on ne nous dit rien ou presque. Comme pour alimenter cette aura surnaturelle, teintée de malédiction.
Le grand absent
C’est finalement très peu pour cerner pareil individu, comprendre son parcours, son évolution une fois arrêté, sa fin de vie en prison. C’est pourtant lui l’élément central de cette enquête et de cette série. C’est lui qu’il faudrait passer au crible en parallèle des dommages irréparables qu’il a causés. Pour le cerner, saisir sa course à l’abîme. Au final, si il est le personnage central de ce sanglant true crime, le Night Stalker en est aussi le grand absent. Comme si on l’avait effacé, pour éviter de le poser en héros. Résultat : en n’expliquant rien de sa personnalité, on renforce son aura déviante, son caractère charismatique, aussi négatif et destructeur soit-il. Ce ne devait pas être le but de ce documentaire.
Et plus si affinités