Nuits de Fourvière : Sade, Huppert, … les malheurs de la vertu ou les prospérités du vice

Souvent décrié, trop peu estimé … on connaît si mal le marquis de Sade. Libertin certes, mais aussi écrivain et philosophe, il passa plus de 27 ans en prison, écrivant avec raison : « les entractes de ma vie ont été trop longs ». Toujours censuré, il ne sera réhabilité qu’au XXeme siècle par Jacques Pauvert, ses œuvres qui relèvent autant de l’essai que du roman sulfureux, intégreront la fameuse collection de la Pléiade en 1990. Cet écrivain majeur du XVIIIème siècle est mis en valeur ce soir aux Nuits de Fourvière, avec Juliette et Justine, adapté des romans Justine ou les Malheurs de la vertu et L’Histoire de Juliette ou les Prospérités du vice .

On se souvient du film Le Vice et vertu de Roger Vadim qui transposait les aventures de Justine (Catherine Deneuve) et Juliette (Annie Girardot) pendant la Seconde Guerre Mondiale. Aujourd’hui c’est une Isabelle Huppert entière et audacieuse qui fait résonner les magnifiques textes du marquis dans le théâtre antique lyonnais. On ne présente plus la grande Huppert qu’on a adoré dans Les Valseuses, Madame Bovary, La Pianiste, Elle, Abus de faiblesse et tant d’autre encore. Figure incontournable du théâtre et du cinéma français, l’actrice est une des rares à rayonner à l international avec une nomination aux Oscars 2016 pour son rôle dans le film de Verhoeven. Personne ne pourrait mieux qu’elle interpréter ce spectacle difficile, où elle jongle avec ces deux personnages opposés.

Le texte est composé par Raphael Enthoven qui a choisi avec soin plusieurs passage des livres de Sade, évoquant ainsi l’hypothèse que les deux héroïnes constituent les visages contrastés d’une même femme. Tout oppose ces dernières par leur rapport à la sexualité. Leurs choix déterminent leur destin, la vertu se perd dans des expériences de plus en plus tragiques, le vice triomphe. Alternant ces identités maudites mais si humaines grâce au jeu des éclairages orchestré par Bertrand Killy, Huppert, dans sa grande robe rouge, frôle ainsi la schizophrénie pour questionner nos propres contradictions. On reconnaît sa façon de jouer, son côté torturé, son amour profond du texte.

Nous la voyons se transformer, sans jamais choisir, privilégier un profil plutôt que l’autre. Il ne s’agit pas de choisir son camp entre vice et vertu, il est plus intéressant de reconnaître en chacun de nous la part de chaque personnage. On ose évoquer le désir, la passion, l’amour charnelle. Pas de censure, pas de faux semblant. On ressort de ce spectacle émerveillé et éveillé, avec l’envie de lire ou relire Sade, à la lumière de ce spectacle, de cette interprétation impressionnante.

Et plus si affinités

http://www.nuitsdefourviere.com/programme/juliette-et-justine

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Clotilde Izabelle

Posted by Clotilde Izabelle