L’opéra de Lyon nous a enchantés cette année, avec une programmation incroyable, nous avons échappé le temps de quelques soirs à la réalité. Nous avons entre autres pénétré dans le monde mystique de Haendel, nous sommes retourné en enfance avec Cendrillon, nous avons profité de toute la légèreté de La Petite renarde rusée … Entrer à l’opéra c’est pouvoir tout oublier, c’est être transporté dans un univers où le beau nous éblouit, un endroit où la musique et le texte nous transportent. Ces deux éléments fondateurs de l’opéra sont au cœur du Capriccio de Strauss ce soir.
Capriccio c’est l’histoire d’un spectacle, ce sont des acteurs dans leur rayonnement et leur faiblesse. Capriccio c’est une histoire d’amour à trois, un conflit insoluble. Un spectacle moderne. Après 15 opéras, Strauss compose Capriccio. Loin d’intrigues mythologiques, il s’inscrit ici dans l’air de son temps. Les citations et références ne manquent pas, on retrouve des allusions à Pascal et Ronsard. Le personnage de Clairon est celui d’une vraie actrice, Claire Josephe Leris. Loin de toute vision onirique, c’est de l’opéra dans l’opéra. Il s’agit donc de jouer la mise en scène d’un spectacle.
Capriccio est une œuvre esthétique, particulièrement mise en valeur sur la scène de l’opéra de Lyon. Le drame et la magie lyrique résident dans sa palette d’expressions artistiques. La stimulation esthétique est multiple, la beauté de la musique, la profondeur du texte, le grandiose des décors, la magie des costumes, le jeu des acteurs. Tout est réuni, et on apprécie particulièrement l’ouverture, une simple ampoule descendant devant le rideau nous laisse nous concentrer sur la musique, on ferme les yeux, on est transporté.
Capriccio est également drôle, on ne va pas spécialement à l’opéra pour rire, mais là on se surprend à sourire. Les deux personnages italiens nous enchantent par leur farce et leur caractère. Le burlesque le temps d’un instant nous détend. De plus Capriccio est ironique. A ce propos Clemens Krauss le librettiste écrit « l’opinion courante veut que l’ironie ne soit pas traduisible en musique. Vous avez plusieurs fois infligé un démenti à cette opinion dans des compositions ». Ici la recette marche encore, les notes elles mêmes, et les périphrases nous permettent d’accéder à ce système de persuasion.
Capriccio est une dispute, celle des mots et de la musique. « Les mots résonnent, les sons parlent » justifie à merveille ce paradoxe. Plus qu’un simple traité de philosophie, Strauss fait vivre ces deux arts en les personnifiant. Flamand sera la musique et Olivier la littérature. Epris d’une même femme, un combat de séduction se met en place. Cependant il n’y a pas de choix à faire, à l’image de Strauss il faut déserter la dispute, comme cet homme qui en plein cœur du conflit en 1942 quitte l’Allemagne pour vivre dans le pays ennemi la France. Un Camus aurait tendance à prôner la révolte et à choisir un camp, ce soir, Capriccio nous démontre qu’un choix n’est pas toujours nécessaire. En refusant de choisir entre deux hommes, entre la musique et les mots, en ne trouvant aucune solution à ce conflit esthétique, c’est l’opéra qui prend naissance. Fuir le conflit aboutit à un émerveillement plus grand ?
Et plus si affinités
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