5 juillet 2021 : le festival d’Avignon débute sa 75eme édition en fanfare et dans une joie non dissimulée. Le soulagement est palpable après l’annulation de la saison 2020 pour cause de pandémie, puis la valse/hésitation autour d’un éventuel report cet été. Pendant quinze jours donc, la Cité des Papes va redevenir Theater Town, tandis que les spectacles de la programmation IN et OFF investissent Cour des Papes, salles de spectacle, parvis, places, bref l’ensemble du tissu urbain avignonnais. Parmi les troupes et professionnels partis en pèlerinage dramaturgique, la team Opsis TV qui s’apprête à capter plusieurs représentations. L’enjeu est de taille, comme nous l’explique Sébastien Tézé, à la tête de cette équipe.
Opsis TV en direct du festival d’Avignon
Ce n’est pas un hasard si nous l’avons interrogé : Sébastien Tézé est le fondateur de la société de production Les Films d’un jour, spécialisée dans le tournage de documentaires destinés aux différentes chaînes de télévision et la captation de spectacles vivants également pour la télévision ou la vente sous forme de DVD. Ce passionné opère sur le terrain depuis 2004, soit 17 ans d’expertise, avec à la clé un catalogue riche de centaines de spectacles préservés … et la question qui se pose immanquablement : que faire de ce patrimoine ? Question qui a inspiré le projet Opsis TV dont Tézé est le co-fondateur avec le directeur du théâtre du Lucernaire Xavier Pryen. Objectif : partager ce patrimoine sur une plateforme de VoD dédiée pour faciliter l’accès à la culture … et au passage promouvoir le livestream, la captation en direct.
La captation en direct : le quotidien de Tézé et son équipe pendant deux semaines à Avignon où il va falloir retransmettre une dizaine de spectacles du OFF depuis plusieurs salles emblématiques, dont voici la liste fièrement affichée au fronton du site d’OpsisTV :
Jeudi 8 juillet
- J’ai trop d’amis – David Lescot
- The End – Bertrand Lesca, Nasi Voutsas
- Bataille – Pierre Rigal
- Pollock – Fabrice Melquiot / Paul Desveaux
Vendredi 9 juillet
- Les animaux sont partout – Benjamin Abitan
- Peut-être Nadia – Pascal Reverte, Anne-Sophie Mercier
Samedi 10 juillet
- Aveugles – Vincent Collet
- Là où je croyais être il n’y avait personne – Anais Muller, Bertrand Poncet
Dimanche 11 juillet
- Les Vivants – Fanny Chasseloup / Jean-Philippe Daguerre
Mardi 13 juillet
- Dom Juan – Molière / Jean-Philippe Daguerre
L’expérience fait l’excellence
Soit un parcours allant de La Manufacture au Théâtre du Chien qui Fume en passant par le Théâtre du Train Bleu et le Théâtre des Corps Saints ; des œuvres contemporaines, un classique, un focus international en partenariat avec l’Institut Français … et une équipe qui évolue d’un spectacle à l’autre avec tout son barda à installer/désinstaller/réinstaller. Bref, il va y avoir du sport. Mais avec une trentaine de tournages par an en moyenne depuis presque vingt ans de pratique, le savoir-faire est là. Livestreamer un spectacle, c’est un peu comme cornaquer un direct télévisé, explique en substance Sébastien, à ceci près qu’on dispose de moins de temps de préparation et de répétition. Pour un livestream, pas de plans prévus à l’avance par exemple, «rien n’est scripté, la découpe des séquences se décide au fil du spectacle».
Le travail de repérage de l’espace scénique importe d’autant plus que 75 % de la captation va reposer sur le ressenti, l’instinct des cameramen. Il va falloir s’appuyer sur les sorties de champ des comédiens, les changements de décors : «les éléments de mise en scène dictent les axes de réalisation». Pour le reste, la qualité demeure la même : on reste sur le principe d’une réalisation en direct classique avec plusieurs caméras, des cadreurs, un ingénieur son, un car régie … et une expertise humaine, une maîtrise du terrain et du geste, un flair que l’automatisation du procédé avec un seul individu pilotant plusieurs caméras tourelles ou l’amateurisme d’un assistant mise en scène équipé d’un smartphone n’autorise pas.
Dans tous les cas, l’expérience fait l’excellence : «on ne peut pas être moins bon sur un livestream». Surtout face aux aléas du direct, rares mais angoissants, comme cette coupure de courant qui a perturbé la captation d’une pièce en février 2020 … Un mauvais souvenir qui n’affecte guère ce plaisir pur de la capta en direct, littéralement exacerbé pendant les dix jours passés au festival d’Avignon, en immersion, en communion avec les acteurs, les metteurs en scène. Des professionnels dont certains commencent à saisir l’enjeu considérable du livestream et de la diffusion en VoD, les avantages que ce format apporte et pas seulement par temps de COVID.
2020 : année 0
Loin d’être une menace pour le spectacle en salle (la principale inquiétude des frileux qui redoutent l’effet canapé), l’œuvre audiovisuelle, diffusée en DVD, en VoD, via ARTE ou Culturebox, s’avère un atout promotionnel de poids à l’heure où le streaming explose face aux médias traditionnels ; c’est donc un excellent moyen de toucher de nouveaux publics tout en attirant l’attention de journalistes et de programmateurs sur-sollicités, et en conservant une trace du travail effectué pour enrichir un patrimoine en constante évolution. Les problèmes ?
- Une prestation de qualité (repérage, tournage) suppose un prix (de 10 000 euros en moyenne quand on opère pour un client à 25 000 quand on est producteur) ; le tarif évolue aussi selon le nombre de jours de tournage, de professionnels nécessaires. Tout dépend du dispositif, mais il est évident que certaines compagnies, certains théâtres ne disposent pas du budget nécessaire.
- Le retour sur investissement n’est pas immédiat, il faut compter sur un effet « longue traîne », se projeter sur plusieurs années parfois pour être bénéficiaire, or dans l’univers du spectacle, les rentrées doivent être immédiates pour compenser les dépenses effectuées, conserver un équilibre financier et faire tourner les troupes et les salles.
- Et puis il y a la question centrale, cruciale même, des droits. Un frein énorme dans la diffusion de certains spectacles captés depuis longtemps, bien avant l’émergence du streaming ; les contrats signés alors n’n tenaient pas compteet pour cause, il n’existait pas. Il faut donc tout renégocier, ce qui est pour le moins complexe et long, surtout face à des intervenants qui n’ont pas encore intégré la logique de ces nouveaux médias.
Tout cela explique que la captation ne soit pas encore un réflexe, une évidence. Conscients des opportunités, témoins d’une mutation à l’œuvre depuis 2017 environ, Sébastien Tézé et son équipe quittent le domaine purement technique pour expliquer, rassurer, convaincre, faire de la pédagogie pure, apporter leur conseil en la matière auprès de d’interlocuteurs curieux bien que réticents. 2020 entre COVID et confinement ? Une année 0 qui ouvre une nouvelle ère, où chacun va devoir se positionner. L’industrie de la musique a été particulièrement réactive, ajoute Sébastien qui cite en exemple la rapidité avec laquelle Live Nation a développé des solutions de captation pour diversifier son offre. Les grands acteurs internationaux ont cerné ces sources de revenus en devenir. C’est maintenant au monde du théâtre de suivre. Et Avignon 2021, à n’en pas douter, va constituer une opportunité essentielle. A suivre.
Merci à Sébastien Tézé pour son temps et ses réponses.
Et plus si affinités
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