Des punchlines, le livre L’Ordre du jour de Éric Vuillard n’en manque guère. Mais c’est probablement le terme « bluff » qui résume le mieux cette analyse sans concession de l’avènement nazi. Ses véritables raisons, sa méthodologie. Et cela légitime l’amertume qui saisit à la gorge en parcourant ces lignes : la tragédie de la Seconde Guerre mondiale aurait pu être évitée.
Gouvernants vs voyous
Si les gros industriels allemands n’avaient pas financé l’élection de Hitler, pour restaurer l’ordre et pouvoir tranquillement faire du business par temps de conflit international ; si les gouvernants autrichiens n’avaient pas été dépassés par le chantage du Führer et de ses lieutenants ; si les ministres européens n’avaient pas baissé leurs pantalons devant cette bande de voyous.
À chaque page de cette édifiante démonstration, l’auteur donne à voir cette nonchalance, totalement inacceptable, de la part d’individus éduqués, diplômés, formés, issus des hautes sphères financières, intellectuelles et sociales. Des dominants qui, au pire, s’allièrent avec le Diable fasciste, au mieux, n’en détectèrent ni la bêtise crasse ni la faiblesse initiale et laissèrent faire.
Plus d’excuses
Complicité, lâcheté, avidité … avec au bout du chemin plus de 50 millions de morts, victimes d’une barbarie sans nom. « Je ne savais pas … », « je n’imaginais pas … », « j’ignorais … » … Les excuses accumulées lors du procès de Nuremberg, Vuillard les fait voler en éclats au fil des pages, démontrant qu’à moins d’être le dernier des crétins, ce qu’ils n’étaient pas, chacun de ces messieurs mesurait parfaitement la dangerosité nazie.
Hitler et son entourage ne s’étaient pas cachés de leurs intentions dévastatrices. C’est en toute connaissance de cause que les capitaines d’industrie allemands vont sponsoriser ce dictateur pour les débarrasser des communistes, que les responsables politiques européens vont fermer les yeux sur son avancée. Le décorticage de la conquête de l’Autriche est aussi parlant que grotesque : fruit d’une véritable pantalonnade, l’Anschluss aurait pu être enrayé.
Pour peu que quelqu’un oppose un « non » ferme et sans appel à ce ramassis de grossiers personnages. Personne n’osa. Certains y laissèrent non leur liberté ou leur carrière, mais leur crédibilité. Beaucoup en profitèrent même, s’enrichissant sans scrupules, exploitant impitoyablement la main d’œuvre des déportés pour enraciner l’avenir d’entreprises dont les noms sont toujours d’actualité. Ce petit livre est là pour nous le rappeler. C’est ô combien salutaire.
Et plus si affinités ?
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