Rien que ce titre, vous avez déjà ouvert l’article … allez, ne dites pas non ! C’est la force de certains termes, de certaines tournures que d’attirer l’œil, de déclencher l’imaginaire, d’appuyer bien fort sur le bouton émotionnel. A ce petit jeu, Paraphilia (Sugar and spice dans la langue de Shakespeare, vive le cynisme) ne fera pas de dupe, même si beaucoup risquent fort de demeurer sur le carreau une fois ce roman dévastateur terminé.
Un thriller donc, polar bien britannique rédigé par Saffina Desforges (on parle de tandem) et inspiré des crimes commis par le tueur écossais Robert Black dans les 80’s, avec donc au cœur du suspens la question ô combien délicate de la pédophilie et la volonté affichée de dépasser les fantasmes pour un peu cadrer le concept. Concept qui va pourtant s’avérer complexe et déstabilisant. La réplique fameuse de Molière et son Tartuffe trouve ici une résonance nouvelle particulièrement atroce : « Ah! pour être pédophile, je n’en suis pas moins homme »résumerait parfaitement l’ambiance inhérente à cette énigme aussi prenante qu’atroce.
Tout commence avec la découverte dans une rivière du corps putréfié de la petite Rebecca, 10 ans, disparue depuis plusieurs jours. La première d’une longue série de rapts et de meurtres auxquels on assiste impuissant, pris à la gorge par une narration au scalpel, aussi incisive que le tueur qui les accomplit sans l’ombre d’un scrupule. Face à ce meurtrier impitoyable et froid comme l’acier, la mère de Rebecca veut comprendre ce qui pousse à pareille folie. En parallèle de la cohorte de flics qui enquêtent, de journalistes qui suivent l’assassin surnommé Oncle Tom à la trace, Claire va mener ses propres investigations, épaulée par son reporter de compagnon Matt, s’associant avec une jeune étudiante profileuse et un hacker en herbe pour parvenir à ses fins.
Jusque ici, rien que de très normal dans une intrigue policière … sauf qu’on va corser la situation en confrontant Claire à un pédophile multi-facettes, un violeur de petits garçons repenti, un jeune papa qui ressent ses premières pulsions pour les filles pré-pubères … d’éventuels coupables donc, rongés de remords, bouffés d’angoisse et dont on se demande si l’empathie ne cache pas la froideur calculatrice du prédateur qui rôde. Très vite la question se pose : ces types ont-ils l’envergure pour enlever et tuer de sang froid les gamines qu’on retrouve un peu partout, les ongles recouverts de peinture jaune ? Petit à petit, l’interrogation devient doute, et très subtilement, les auteurs ébauchent la limite entre le délinquant sexuel rongé de désirs qu’il veut réprimer et le psychopathe avide de contrôler ses victimes, les choisissant plus jeunes et plus vulnérable pour affirmer sa puissance.
Nous n’en dirons pas plus sur l’intrigue proprement dite, qui vous réserve du reste pas mal de surprises, de rebondissements et de haut le cœur. Paraphilia est un grand huit émotionnel mené de main de maître, et dont on ne décroche pas au point final, car sa thématique volontairement fait bouger les lignes de notre conscience, de notre perception. Ce n’est pas un hasard si la plume à la source de ce roman a dû le publié de manière autonome, aucun éditeur ne voulant se risquer à porter pareil projet, de peur d’un bide retentissant. 150 000 spécimens numériques vendus plus tard, le succès est là, preuve que cette approche a su captiver l’attention. Vous savez donc ce qui vous reste à faire, mais attention : Paraphilia n’est pas qu’un polar de plus à bouquiner sur la plage, rappelez-vous en.
Et plus si affinités