
Le rock, c’est une affaire de son, bien sûr, mais c’est aussi une histoire d’image. Que serait Jimi Hendrix sans les clichés enflammés de Monterey ? Les Sex Pistols sans leurs poses provocantes capturées par Dennis Morris ? Bowie sans ses métamorphoses sublimées par Mick Rock ? Depuis les années 50, la photographie est le carburant visuel qui a propulsé les icônes du rock au rang de mythes. Et l’expo dédiée à Dennis Morris par la MEP le rappelle bien.
Sculpter une aura
Dès les débuts du rock, des photographes visionnaires ont compris que l’image pouvait saisir une attitude, immortaliser une révolte, sculpter une aura. Certain.es ont su s’imposer comme des maîtres du genre. Parmi eux :
- Jim Marshall : Celui qui a capté la rage tranquille de Johnny Cash en plein middle finger à San Quentin ou encore la tendresse impromptue de Jimi Hendrix embrasant sa Stratocaster. Marshall, c’est le regard du rockeur derrière l’objectif.
- Mick Rock : Surnommé « The Man Who Shot the Seventies », Mick Rock a accompagné David Bowie dans son ascension glam, sculptant Ziggy Stardust en icône visuelle absolue.
- Anton Corbijn : Le maître du clair-obscur a transformé Joy Division, Depeche Mode et U2 en figures spectrales, intensifiant leur mystique avec ses portraits granuleux et contrastés.
- Lynn Goldsmith : Lynn est l’une des rares femmes à avoir imposé son style dans cet univers testostéroné, shootant Springsteen, les Stones ou encore Patti Smith avec une intensité brute et sincère.
- Sue Rynski : Experte des contrastes, Rynski a su saisir l’énergie brute et viscérale des concerts live, capturant des moments de pure intensité.
- Richard Bellia : Véritable orfèvre de la scène rock et punk, Bellia a immortalisé moult artistes et groupes, The Cure notamment, avec un regard perçant et un noir et blanc puissant.
Les commandements d’une bonne photo rock ?
Quelques-un.es parmi tant d’autres donc, qui ont saisi l’esprit rock, lui ont donné une épaisseur, ont restitué son essence. Avec à la clé LA question : qu’est-ce qui fait la spécificité d’une photo rock ? En quoi se différencie-t-elle des clichés pris à la ramasse avec un téléphone portable pendant un festival, lors d’un concert ? Outre le fait que l’argentique a apporté son esthétique à des décennies de prises de vue rock ? C’est peut-être qu’une bonne photo rock, ce n’est pas juste un musicien sur scène ? C’est surtout un instant volé, une tension palpable, une attitude qui résume une mentalité, un positionnement face au monde, une manière de penser la création.
Ce n’est finalement pas la netteté qui compte, mais l’instantanéité. Une bonne photo rock capte le bruit, la sueur, l’électricité dans l’air. Elle n’est jamais figée, elle vibre. On y trouve :
- L’énergie brute : Un bon photographe sait capter l’instant où tout explose, où la scène devient un terrain de chaos maîtrisé.
- L’attitude : Une posture, un regard, un simple mouvement de main peut raconter toute une histoire.
- Le grain : Noir et blanc granuleux, couleurs saturées… Chaque photographe a sa patte, mais une bonne photo rock doit avoir une texture qui traduit l’intensité du moment.
- La connexion : L’artiste est-il dans sa bulle ou en pleine communion avec le public ? C’est ce moment de vérité qui fait la force d’une image.
Mythification photographique
Si le rock a toujours flirté avec la provocation, la photographie l’a accompagné dans sa mythification. Un bon cliché n’est pas une simple capture d’instant : c’est une déclaration, pour ne pas dire une revendication. Les poses guerrières des Pistols, la silhouette iconique de Dylan, l’énergie désespérée de Kurt Cobain, tous ces regards, tous ces gestes ont marqué l’imaginaire collectif autant que leurs riffs et leurs textes.
Aujourd’hui, alors que les smartphones et Instagram ont bouleversé le game, l’impact de ces clichés cultes demeure indétrônable et cela donne à réfléchir. Les rockeurs d’hier et d’aujourd’hui doivent autant à leurs morceaux qu’aux images qui les ont propulsés dans nos imaginaires. La conclusion ? Peu importe l’époque, comme disait Paris Match : le poids des mots, le choc des photos. Traduction en langage de rocker : un bon riff claque, une bonne image reste. Mais parfois, c’est cette dernière qui fait toute la différence et qui parachève le mythe.
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