Pole dance : grâce, exigence, discipline et émancipation

The Artchemists Pole Dance

Vous l’aurez remarqué si vous suivez nos chroniques sur les soirées Bragi Pufferfish, le terme «pole dance» y revient souvent. Beautiful Skin, Velu.e… peu de soirées se déroulent sans une performance de pole danse, avec à la clé les prestations de Lyou Bou ou Pretty Qasar. Pole dance ? « Des nanas à moitié à poil qui s’agitent le long d’une perche, quoi ! » Euh non. Très souvent associée aux clubs de strip-tease (ce qui n’est pas totalement faux), la pole dance est bien, bien plus qu’une simple danse sensuelle faite pour chauffer un parterre de mâles en manque venus reluquer des fesses et des nichons. Cette version est simpliste pour ne pas dire insultante. Discipline hybride et exigeante, la pole dance est un sport à part entière, un art du spectacle qui allie force, souplesse, grâce et expression corporelle. Explications.

@lyou.bou pole ninja back !!! #poledance #poledancing #practicetime #polemoves❤️ ♬ Burn Dem Bridges – Skin On Skin

Pole dance, mais encore ?

Commençons par le commencement, à savoir de quoi parle-t-on vraiment quand on parle de pole dance ? Le terme, anglo-saxon, peut se traduire par danse à la barre verticale. C’est-à-dire une combinaison de danse et d’acrobatie à laquelle on peut ajouter des éléments issus de la gymnastique et des arts aériens.

Concrètement, qu’est-ce que ça donne ? À l’aide d’un poteau vertical (ou pole), les danseurs enchaînent des figures impressionnantes qui demandent à la fois force musculaire, souplesse et coordination : grimper, tourner, effectuer des acrobaties, notamment le fireman spin, une rotation de base autour du poteau, ou le superman, plus complexe, où le corps est suspendu à l’horizontale par la force des bras et des jambes.

Variété des enchaînements, exigence technique : les adeptes doivent avoir une grande force dans le haut du corps, notamment les bras, les abdominaux et les jambes, pour réussir à maintenir les positions parfois à plusieurs mètres de hauteur. La discipline inclut aussi un important travail de souplesse pour réaliser des splits et autres figures de flexibilité.

Et puis, il y a l’inventivité, l’originalité dans la coordination des figures. La pole dance offre une grande liberté d’expression, permettant aux pratiquants d’imaginer des chorégraphies gracieuses, énergiques ou sensuelles, selon l’approche choisie. La pratique est d’ailleurs divisée en plusieurs sous-catégories :

  • le pole dance sportif, qui met l’accent sur la performance physique
  • le pole artistique, qui se concentre sur l’expression corporelle
  • le pole exotique, qui garde un aspect plus sensuel.
@pretty_quasar 2023 so far #fyp #wlw #poledance #lgbt ♬ Stand Still – Sabrina Claudio

De l’univers forain à l’institutionnalisation

La pole dance telle qu’on la pratique aujourd’hui s’enracine dans diverses traditions. On pense bien évidemment au cirque ; comme pour le trapèze ou le cerceau aérien, le pole dance demande un contrôle total du corps en suspension. Le cirque contemporain intègre d’ailleurs des numéros de pole dance. Mais il existe des pratiques beaucoup plus anciennes, ainsi le Mallakhamb. Ce sport traditionnel indien combine acrobaties et figures réalisées autour d’un poteau en bois. Cette pratique ancestrale servait d’entraînement pour les guerriers, mêlant force et agilité.

Le pole dance moderne a quant à lui émergé dans les années 20 au Canada, dans l’univers forain : les danseuses d’alors intégraient les piliers des chapiteaux dans leurs chorégraphies baptisées « hoochie coochie » en référence au balancement de leurs hanches. petit à petit cette pratique a gagné les cabarets et les bars de nuit. À la fin des années 60, la stripteaseuse américaine Belle Jangles fusionne pole dance et effeuillage. Dans les années 80, ce type de spectacle se développe fortement. Mais à partir de 1994, des pionnières de la discipline comme Fawnia Mondey, Tammy Morris, Kelly Kane, Katie Coates vont travailler à sortir la pole dance du milieu de la nuit pour promouvoir sa vocation artistique et sportive.

Les premiers cours voient le jour, les studios de danse spécialisés, les fédérations (Pole Sports France, International Pole Sports Federation…). La pole dance désormais s’institutionnalise. Les championnats sont soumis à des critères très sévères, incluant la difficulté des figures, l’originalité des enchaînements et l’élégance du mouvement. Quant aux écoles, elles se multiplient : on compte plus de 230 structures en France, en 40 et 50 000 usagers, aussi bien des femmes que des hommes, de tout âge puisque des cours sont proposés aux enfants.

Pole dance : aux sources d’une émancipation

Certaines figures emblématiques ont marqué l’histoire de cette discipline. Outre les pionnières citées plus haut, on peut évoquer l’athlète australienne Felix Cane, deux fois championne du monde, ou encore Oona Kivela, multimédaillée internationale. Toutes deux ont contribué à redéfinir la pratique en y intégrant des éléments issus de la gymnastique ou du yoga… Et puis il y a les hommes. Dmitry Politov ou Vincent Regnault ont brillamment démontré que la pole dance n’est pas une chasse gardée féminine.

Fascinante, cette forme d’expression artistique rigoureuse implique de raconter une histoire avec son corps, de transmettre des émotions au public, tout en jouant avec les lois de l’apesanteur. L’équilibre entre technique et art est crucial, dépassant de loin le cadre de l’exercice de séduction. On peut même parler dans certains cas de pratique thérapeutique : outre le renforcement musculaire opéré par un usage au quotidien, beaucoup se lancent dans l’aventure pour renouer avec un corps qui leur échappe.

Améliorer sa posture, réduire les douleurs chroniques est une chose. Mais il s’agit aussi de faire la paix avec une morphologie dont on a toujours eu honte et que soudain, on découvre harmonieuse et épanouie. Thérapie par le mouvement, expression des émotions refoulées, la pratique de la pole dance s’accompagne d’une hausse de la confiance en soi, d’une émancipation. Les peurs, les préjugés s’estompent tandis qu’on se reconnecte avec soi-même, qu’on progresse, qu’on accomplit des figures toujours plus complexes.

Nous arrivons au terme de cette trop courte présentation. Il y aurait encore beaucoup à dire, je pense, mais ces grandes lignes permettent déjà de mesurer la qualité et l’exigence de cette forme artistique aux multiples ramifications. Pour sûr, vous ne verrez plus un numéro de pole dance du même œil. Et peut-être vous retrouvera-t-on bientôt dans un spectacle de La Velu.e, qui sait ?

Et plus si affinités ?

Vous avez des envies de culture ? Cet article vous a plu ?

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

Website: https://www.theartchemists.com