Prix littéraires : puissants leviers culturels, sources de polémiques, outils de communication

A l’heure où j’écris ces lignes, la fièvre monte dans les couloirs des maisons d’édition et chez les auteurs français. On attaque la dernière ligne droite pour la sélection des Prix littéraires. Le Prix Goncourt bien sûr, le Prix des prix, le plus convoité, le plus prestigieux, mais beaucoup d’autres également, 2000 environ qui se concurrencent, avec une centaine de nouveaux titres par an et à peu près le même nombre de disparus corps et biens. Bref, il y a un véritable business du prix littéraire dans la patrie de Voltaire, Hugo et Zola. Avec à la clé, quelques questions de fond qu’il convient d’explorer pour mettre en évidence les dessous de ce marché.

Une tradition venue de l’Antiquité… pour casser les codes

Le prix littéraire donc : une récompense attribuée à un écrivain ou à une œuvre en reconnaissance de sa qualité, de son mérite artistique, avec la volonté plus générale de promouvoir le renouvellement de la littérature, ses jeunes talents, tout en stimulant l’intérêt du public pour la lecture. Une volonté qui n’a rien d’une nouveauté.

Déjà dans l’Antiquité, les Grecs anciens organisaient des compétitions littéraires, de véritables Jeux Olympiques de l’esprit où poètes et dramaturges s’affrontaient, revendiquant les lauriers de la gloire. La tradition va perdurer au fil des siècles, durant le Moyen-Age, la Renaissance :

  • Au XVIIIe siècle, J.B. de Montyon initie le prix qu’il baptise de son nom : l’un des premiers prix de l’ère moderne voit le jour en 1782, pour récompenser des ouvrages considérés comme moralement exemplaires.
  • Créé en 1903, le prix Goncourt donne quant à lui corps aux volontés testamentaires des deux frères et auteurs naturalistes ainsi que l’académie du même nom. Il récompense de jeunes auteurs avec une dotation financière, aujourd’hui synthétisée dans un chèque symbolique de 10 euros.

Derrière cette coutume se cache une contestation, une lutte âpre entre les Classiques et les Modernes. Au XIXe siècle, créer un prix littéraire, c’est donner un grand coup de pied dans le monopole détenu jusqu’alors par l’Académie française qui régnait en maîtresse sur le royaume des lettres hexagonales, y faisant la pluie et le beau temps en matière de livres à lire, de textes à honnir, d’auteurs à révérer ou à dénoncer. Et si le genre du roman était en vogue durant la Révolution industrielle, il ne plaisait guère aux Immortels qui y voyaient là une sous-littérature.

Instituer un Prix littéraire, c’est donc forcément entrer dans le game pour contre-balancer la toute puissance d’une autorité intellectuelle et élargir le cercle des chanceux autorisés à se vêtir du titre d’auteur… ou d’autrice. Comme l’identifie très bien Sylvie Ducas dans l’article « Prix littéraires crées par les médias : Pour une nouvelle voie d’accès à la consécration littéraire ? » paru dans le n°117 de la revue Réseaux 2003, « le prix Femina est né en réaction aux mécanismes d’exclusion dont les femmes sont habituellement victimes au sein de l’institution littéraire. L’enjeu de cet aréopage exclusivement féminin, mais qui fonde son autorité sur la mixité littéraire de ses choix en n’accordant pas son prix qu’à des femmes, consiste à investir des lieux de consécration ordinairement réservés aux hommes ».

2000 prix littéraire en France… à la louche !

Le prix Fémina justement : un des nombreux prix made in France, un pays prolixe en la matière comme nous l’avancions das l’introduction de notre dossier. Les prix littéraires ont muté progressivement, se répandant à la surface du globe pour s’imposer comme une reconnaissance littéraire essentielle, une distinction nécessaire, un événement culturel incontournable. On pense immédiatement au Nobel de littérature, mais il en existe beaucoup d’autres à l’échelle de la planète. Dans la patrie de Molière, c’est même un sport national puisqu’on en dénombre 2000 environ dont voici les plus connus. Une liste non exhaustive, qui vaut le coup d’être parcourue car elle est révélatrice en matière de calendrier et de thématiques.

Le Prix Goncourt :

  1. Date de remise : chaque année, le premier mardi de novembre.
  2. Spécificités : il est considéré comme l’un des prix les plus prestigieux en France. Il récompense un roman écrit en français publié dans l’année en cours.

Le Prix Renaudot :

  1. Date de remise : le même jour que le Prix Goncourt (une véritable concurrence au niveau médiatique donc).
  2. Spécificités : comme le Prix Goncourt, il récompense un roman en français. Il est également très prisé.

Le Prix Femina :

  1. Date de remise : chaque année, le premier mercredi de novembre.
  2. Spécificités : il récompense un roman écrit en français, souvent en mettant en avant des auteures féminines.

Le Prix Médicis :

  1. Date de remise : chaque année, le premier jeudi de novembre.
  2. Spécificités : il récompense un roman, mais aussi des essais et des œuvres de non-fiction. Il est souvent attribué à des œuvres moins conventionnelles.

Le Prix Interallié :

  1. Date de remise : chaque année, le deuxième mercredi de novembre.
  2. Spécificités : il récompense un roman écrit en français, et il est parfois considéré comme un prix « littéraire d’opinion ».

Le Prix des Deux Magots :

  1. Date de remise : chaque année, le premier samedi de janvier.
  2. Spécificités : il récompense des œuvres de fiction, des essais, ou des ouvrages autobiographiques. Il a pour tradition de mettre en avant des écrivains prometteurs.

Le Prix du Livre Inter :

  1. Date de remise : chaque année, en juin.
  2. Spécificités : il est décerné par les auditeurs de l’émission de radio « Le Masque et la Plume » sur France Inter. Il récompense un roman français ou étranger.

On aurait pu également citer le prix de Flore, le prix littéraire du Monde, le prix Goncourt des lycéens, le prix du roman Fnac, le Grand prix du roman de l’Académie française… bref il y a de quoi faire, les plus impactants en matière de prestige, de visibilité et de ventes dopées demeurant le Goncourt, le Renaudot, le Femina.

Processus de sélection : parcours officiel étape par étape

Cela peut varier d’un prix à l’autre, mais il existe généralement quelques étapes communes dans ce processus.

Sélection des ouvrages éligibles :

Chaque prix littéraire a ses propres critères. Généralement, seuls les livres publiés dans une certaine période (par exemple, durant l’année en cours) et rédigés dans la langue spécifiée par le prix (le français pour les prix littéraires français) sont pris en considération.

A titre d’exemple, voici les conditions prônées par l’Académie française pour concourir à son prix : «Pour pouvoir prendre part aux concours, les ouvrages doivent être envoyés par l’éditeur ou par l’auteur, en deux exemplaires, accompagnés d’une lettre faisant acte de candidature, au Secrétariat des Commissions littéraires (23, quai de Conti – 75270 Paris cedex 06 – CS 90618), avant le 31 janvier».

  • Comme vous pouvez le constater, ça ne rigole pas, le règlement est très clair, il y a des dates butoirs, et un encadrement légal. Bref, on ne part pas en free style.
  • Autre point essentiel, l’auteur peut envoyer son livre, son éditeur aussi et cela est très important. Il y a toute une pré-selection opérée au sein des états-majors des grandes maisons pour mettre en avant les romans les plus à même de remporter les précieux trophées.

Constitution d’un jury :

Un jury composé de membres qualifiés est constitué ; certains sont permanents, d’autres occasionnels, renouvelés d’année en année. Les membres du jury peuvent être des écrivains, des critiques littéraires, des éditeurs, des universitaires, d’autres personnalités du monde littéraire. Le nombre de membres et leur composition varient selon le prix. Mais il vaut mieux toujours tabler sur des figures représentatives, avec une aura médiatique et/ou une expertise reconnue.

  • Pour son édition 2023, le jury du prix Femina est composé de «Évelyne Bloch-Dano (présidente), Paula Jacques (vice-présidente), Claire Gallois, Nathalie Azoulai, Christine Jordis, Scholastique Mukasonga, Mona Ozouf, Josyane Savigneau, Patricia Reznikov, et,depuis mars dernier, le Prix Goncourt 2022 Brigitte Giraud, Jeanne Benameur et Julie Wolkenstein », dixit le site Actuallite.com.
  • Le même média évoque par ailleurs la composition du jury du prix de Flore 2023 à savoir «Frédéric Beigbeder, Jacques Braunstein, Manuel Carcassonne, Carole Chrétiennot, Michèle Fitoussi, Jean-René van der Plaetsen, François Reynaert, Jean-Pierre Saccani, Bertrand de Saint-Vincent, Christophe Tison, Philippe Vandel, et Arnaud Viviant».

On ne va pas tous les faire, mais l’idée est là, et l’annonce des jurés est presque aussi importante que celles des candidats en lisse.

Réception, lecture et évaluation des ouvrages :

Les éditeurs soumettent les livres qu’ils estiment éligibles pour le prix. Ces ouvrages sont généralement envoyés aux membres du jury pour examen. Ces derniers lisent les livres soumis avec soin et attention. Ils évaluent chaque livre en fonction de critères spécifiques, tels que la qualité littéraire, l’originalité, la créativité, la pertinence thématique, et d’autres critères définis par le prix. Chaque membre du jury peut avoir sa propre méthodologie d’évaluation.

Délibérations :

Une fois les lectures effectuées, les membres du jury se réunissent pour discuter des livres qu’ils ont lus. Ils partagent leurs opinions, argumentent en faveur ou en défaveur des ouvrages, et votent pour sélectionner les finalistes ou le lauréat. Les délibérations peuvent être animées, nécessiter plusieurs réunions pour parvenir à un consensus.

Annonce des finalistes et du lauréat, remise de prix :

Une fois que le jury a pris sa décision, les finalistes et le lauréat du prix sont annoncés publiquement. Parfois, les finalistes sont révélés avant le lauréat, créant ainsi une anticipation dans le public littéraire, via des campagnes médiatiques souvent échevelées.

Une cérémonie est organisée pour honorer le lauréat et les finalistes, souvent dans un établissement gastronomique réputé ; ainsi, le Drouant a l’heur de recevoir dans ses salles les jurys des prix concurrents Goncourt et Renaudot depuis 1914. Et il l’annonce avec fierté sur son site, car c’est une véritable référence.

Avantages multiples et visibilité accrue

Pour un auteur, être récompensé par un prix littéraire offre de nombreux avantages, la reconnaissance et la visibilité, la crédibilité également, mais pas seulement. Être lauréat d’un prix littéraire peut avoir un impact très concret.

Récompense financière :

Ce n’est toujours le cas mais certains prix sont confortablement dotés. Ainsi les lauréats du prix de littérature Paul-Morand touchent 45 000 euros. Mais ceux du Goncourt se contenteront d’un chèque de 10 euros. Les prix portés par des marques proposent des récompenses en espèces sonnantes et trébuchantes comme l’évoque Ouest France :

  • le prix Landernau, lancé en 2008 par Michel-Édouard Leclerc et ses Espaces culturels = 6 000 €
  • le prix de Flore = 6 100 €, en plus d’un verre de Pouilly par jour pendant un an dans le café du même nom
  • le prix Wepler/Fondation La Poste = 10 000 €
  • le prix Décembre (ex-prix Novembre) = 30 000 €.

Augmentation des ventes :

Gagner un prix littéraire, c’est voir les ventes de son livre exploser.

  • Les lecteurs sont souvent plus enclins à acheter et à lire un livre qui a été récompensé par un prix : «Spécialiste des statistiques des prix littéraires avec des moyennes lissées sur plusieurs années, l’Institut d’études marketing GFK, qui collecte et classe l’ensemble des données de vente du marché du livre, estime le Goncourt à 320 000 ventes en moyennes devant le Renaudot à 194 000 et 131 000 pour le Prix des Lycéens» explique le Forbes dans l’article «Dans les coulisses de la guerre des prix littéraires» en 2022.
  • Financièrement, cela se traduit par un chiffre d’affaire d’environ 6 millions d’euros pour un livre à 15 euros, selon Ouest-France, qui cite de nouveau Paul-Antoine Jeanton, consultant du panel livres pour l’institut GfK :« Depuis 2015, le volume de ventes de la totalité des livres primés est passé d’un million à 700 000. Générant un chiffre d’affaires passé de 20 millions à 15 millions d’euros entre 2015 et 2018. ».

Traductions et droits d’adaptation :

Les œuvres d’auteurs primés sont souvent traduites en d’autres langues pour être diffusées à l’international. Elles peuvent également susciter l’intérêt des producteurs de films, de séries télévisées, et de théâtre pour des adaptations. Cela peut considérablement augmenter les revenus de l’auteur et de l’éditeur. Ainsi Capitaine Conan de Roger Vercel, Prix Goncourt 1996, adapté à l’écran par Bertrand Tavernier, film lui-même récompensé par un César du meilleur réalisateur.

Opportunités de carrière :

Les auteurs récompensés par un prix littéraire sont plus susceptibles de recevoir des offres pour de nouveaux contrats d’édition. Ils peuvent également être invités à participer à des événements littéraires, des conférences, et des festivals, ce qui peut élargir leurs horizons et leurs opportunités professionnelles.

Éditeurs rayonnants et hydre magouilleuse

Il n’y a pas que l’auteur qui profite de cette manne. Son éditeur a aussi sa part de lauriers, et pas seulement en terme de revenus de vente, de droits de traduction. Les éditeurs qui publient des lauréats de prix littéraires renforcent leur réputation et leur image dans l’industrie littéraire. En exergue, leur flair, leur capacité à détecter des romanciers hors pair, de véritables talents. Cela ne peut qu’attirer de nouvelles pépites, tout en captant durablement l’attention des médias, des libraires et des lecteurs, ce qui va rejaillir sur l’ensemble du catalogue de l’éditeur, et permettre de vendre d’autres publications, de l’auteur primé mais aussi des autres plumes.

Et c’est là qu’entre en lisse l’hydre « Galligrasseuil ». Un monstre échappé du bestiaire fantastique antique ? Il y a de ça ; pour sûr Daumier le caricaturiste aurait représenté la chose de cette façon. Ce terme aux consonances barbares mêle le nom de trois grands maisons d’édition : Gallimard, Grasset, Seuil. Ce trio est resté dans les mémoires pour la qualité de ses publications certes, mais aussi pour sa capacité répétée à rafler les prix Goncourt, Renaudot, Médicis et autre Interallié. Une habitude que d’aucuns considérent comme fâcheuse et contestable, car elle prive les enseignes de moindre portée de la mise en lumière octroyée par les fameux prix, alors qu’elles en auraient grand besoin.

De là à penser que les jurys des dit Prix sont partie prenante, plus ou moins téléguidés par ces éditeurs leaders, que les concours sont sinon truqués, du moins très influencés, il n’y a qu’un pas, qui perdure du reste, la polémique refaisant surface chaque automne.

La preuve avec :

  • l’excellent article « Dans les coulisses des prix littéraires» paru sur le site L’Opinion indépendante, Christian Authier y évoque par le menu les coulisses de sélections où notre petite hydre s’infiltre par jurés interposés, et malheur à celles et ceux qui fronderaient, dénonçant ces turpitudes éditorialo-machiavéliques ;
  • idem chez l’INA, vigilante gardienne de notre mémoire audio-visuelle, qui diffuse un reportage de 1979 passé durant le Journal de 20h d’Antenne 2 ; déjà le monopole Galligrasseuil faisait gronder les autres acteurs du marché du livre à la française.

De là à dire que les process de sélection sont complètement fartés ? En tout cas, l’enjeu étant de taille au niveau économique, financier et médiatique, il est évident que les leaders du secteur n’ont pas du tout l’intention de laisser des concurrents moins importants leur voler la vedette. Quitte à influencer le marché… ou à se laisser influencer par lui ? Et orienter le choix des lauréats en fonction des attentes du lectorat, à moins qu’il s’agisse de façonner les goûts de la cible ? Bref mettre en valeur des auteurs qui vont vendre et laisser dans le fossé ceux qu’on considère comme moins rentables ?

De Pierre Bergé à Meetic : pourquoi créer un prix littéraire quand on est une entreprise ?

Résumons : être primé est une excellente chose et pour les auteurs lauréats, et pour les maisons d’édition qui ont parié sur eux. Mais c’est aussi une opération bénéfique pour ceux qui ont créé le prix, notamment les acteurs privés que sont les entreprises, les marques, les patrons de grands groupes. Prix du Roman Fnac, prix littéraire Patrimoines de la banque privée, prix « Bourienne » et autres : 221 prix dotés, recensait LivresHebdo en 2021. Ce n’est pas rien. Et pour les enseignes à l’origine de l’initiative, c’est même une opération plus que rentable en terme d’image.

  • Créer un prix littéraire, ce n’est pas que faire la nique à l’Académie. C’est aussi participer au prestige de la littérature et de la culture française, c’est donc se positionner en protecteur des arts et des lettres : on sait l’importance politique et sociale de la chose depuis les rois de la Renaissance et le mécénat de Louis XIV.
  • Soigner son image de marque donc, auprès des artistes, du public et des médias : créer un prix littéraire est une manière de faire date, de montrer qu’on est en bonne santé économique, et de bénéficier d’une couverture presse conséquente, ce qui n’est pas rien dans un univers où l’info file à la vitesse d’un cheval au galop.
  • Créer un prix littéraire, c’est aussi rassurer et sa clientèle et ses employés. L’effet en interne est toujours bénéfique, fédérateur.
  • Et puis c’est modifier son statut, quelque part, c’est côtoyer l’univers du luxe, du haut de gamme, de l’excellence. Monter en grade. Intégrer pour partie un panthéon.

Ainsi que le détaille Slate dans l’article «Comment sont financés les prix littéraires?» paru en 2013, «la dotation du prix Décembre n’a pas diminué depuis sa création en 1999. Né des cendres du prix Novembre et de la volonté de Pierre Bergé, c’est lui qui pourvoit à tout. L’homme d’affaires finance les 30.000 euros reçus par le lauréat –la dotation la plus importante des prix littéraires à l’heure actuelle– la remise du prix à l’hôtel Lutetia et les trois repas de délibération du jury». On sait combien Bergé se positionnait comme un humaniste, un pur esprit de la Renaissance. En reprenant le Prix Décembre, l’homme d’affaire continue de creuser le sillon qu’il avait tracé dès le début de sa carrière dans le commerce de l’art, puis en créant la maison de couture YSL avec son compagnon Yves Saint Laurent.

Avec le Prix littéraire Meetic de la plus belle histoire d’amour initié en 2021, on change de taquet. La plateforme spécialisée dans les rencontres en ligne vise plutôt à l’opération de communication. Objectif : redorer son blason en investissant sur la littérature romantique. LivresHebdos avait annoncé la chose en ces termes : «Meetic et Fyctia, plateforme communautaire de lecture et d’écriture, s’associent pour la création du Prix littéraire Meetic de la plus belle histoire d’amour. Lancé à l’occasion de la 5e édition du Festival New Romance Youboox, qui se tiendra du 8 au 10 octobre, le concours est ouvert aussi bien aux amateurs qu’à des auteurs plus expérimentés».

Traduction : Meetic ne créée rien du tout, il s’associe avec «Fyctia, plateforme communautaire de lecture et d’écriture » et « le festival New Romance Youboox » pour lancer un prix littéraire qui bénéficiera très certainement de l’aura du leader européen des plateformes de rencontres, auto-proclamé «site de rencontre sérieux pour trouver l’amour», et l’un des fleurons de Match group qui possède par ailleurs Tinder, OK Cupid et deux ou trois autres pépites du même secteur au point de peser 10,1 millions d’utilisateurs pour 555 millions de dollars de chiffre d’affaire. Par temps de COVID.

C’est que la fréquentation des sites de rencontres n’a guère dévissé en ces temps de pandémie, au contraire. Il semblerait que confinements et couvre-feu aient affolé les amateurs de rencontres numériques retranchés dans leurs foyers. Quelques chiffres ? Aux alentours du mois de juin 2020, Match Group affichait 1 million supplémentaire d’usagers payants et une hausse de 12 % des rentrées d’argent. Comme quoi tout le monde ne se portait pas si mal à l’heure de la crise sanitaire, notamment Tinder qui caracolait alors en tête du panthéon matchgroupien avec 6,2 millions d’usagers et des bénéfices bondissant de 15 %. Et Meetic dans tout ça ?

En 2019, Le Journal des femmes le considérait comme un peu trop académique. Peut-être parce qu’il ciblait entre autres les plus de 50 ans en solo (soit un tiers des célibataires français, 25 millions de nos concitoyens à la louche) peinant à se réinsérer sur le très concurrentiel marché de la séduction ? Un marché à saisir, mais une cible qui ne se drague pas comme les millennials. D’où ce prix littéraire forgé de toutes pièces en un temps de disette culturelle, sur fond d’annulation des festivals et des salons en physique ? Étrangement, l’aventure s’arrête en 2022. En 2023, nulle trace d’une nouvelle édition alors que le festival New Romance a pourtant les pieds dans les starting blocks pour novembre 2023.

Le sujet est tellement vaste qu’il mériterait un livre. N’ayant que peu de temps et beaucoup d’autres sujets à traiter, j’en resterai là, pour l’instant du moins. Sans être pleinement holistique, ces quelques paragraphes dressent déjà un tableau relativement clair des enjeux à l’œuvre dans la course aux prix littéraires. Un levier puissant dans le business de l’édition, chiffres à l’appui, et une source sans fin de questionnement sur des événements qui captent l’attention du grand public en quête des grands auteurs de demain.

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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