28 juillet 2020 : Gisèle Halimi tire sa révérence. Après un demi siècle au bas mot de combat féministe. Combat dont les médias se sont immédiatement fait l’écho dans une cascade d’éloges post-mortem qui ne donnent finalement qu’une très pâle idée du rôle essentiel qu’elle a eu. On se souvient bien évidemment du procès de Bobigny qui ouvrira la voie à la légalisation de l’avortement. Mais il y eut également l’affaire Tonglet Castellano, dont le documentaire Le Procès du viol relate le déroulement et l’impact.
Brutale domination
Nous sommes en 1974 : deux jeunes filles belges, naturistes et lesbiennes, font du camping sauvage dans les calanques marseillaises. Trois hommes les frappent, les violent, sauvagement, toute la nuit. Elles portent plainte, ils sont immédiatement appréhendés. Et là commence le calvaire. Le récit des deux victimes est mis en doute, les trois agresseurs prétendent qu’elles étaient consentantes. On les poursuivra donc pour coups et blessures, attentat à la pudeur. Pas pour crime.
C’est qu’à l’époque, le viol n’est pas considéré comme tel ; on regarde le violeur avec indulgence, séduit qu’il fut par une femme toujours considérée comme tentatrice, aguicheuse … une « salope » prête à ouvrir les cuisses, un objet sexuel docile qui joue les effarouchées pour mieux jouir de cette brutale domination. Mais en pleine explosion de la contestation féministe, cela ne passe plus. Excédées par l’inertie moralisatrice de la police et des juges, les deux jeunes victimes se tournent vers Gisèle Halimi.
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Victime et tentatrice
Signataire du manifeste des 343 salopes, fondatrice de Choisir la cause des femmes, cette avocate hors pair a gagné le procès de Bobigny, arrachant au tribunal l’acquittement de sa cliente accusée d’avortement. Fer de lance de la cause féministe, elle va s’emparer du dossier de Anne et Araceli, pour obtenir justice, et par là-même amener la question du viol au cœur du débat public, afin d’obtenir sa criminalisation. C’est ce parcours que dévoile le documentaire de Cédric Condon, avec force témoignages et documents d’archives.
Et cela fait froid dans le dos. Car, en visionnant ces images, en écoutant ces récits, en mesurant la violence sidérante que cette affaire a déclenché, on réalise que rien n’a changé ou presque. Certes le viol est aujourd’hui reconnu comme un crime et passible de 15 ans de prison ; aujourd’hui ce sont environ 10 000 femmes qui portent plainte pour agression sexuelle au lieu du millier de courageuses qui osaient le faire au début des années 70. Mais on saisit également que le comportement masculin n’a que très peu varié, que les revendications de nos mères sont celles de nos filles, qu’en 2020, la victime est encore et toujours la tentatrice, l’allumeuse, la salope.
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Faire évoluer l’appareil législatif
Qu’en conclure ?
Gisèle Halimi comme Simone Veil ont tracé un sillon, planté une graine devenue arbre, un arbre menacé à chaque instant, que nous nous devons de protéger à tout prix. Il y a encore du travail : seulement 10 % des victimes de viol se rendent dans un commissariat pour porter plainte. Et que dire du nombre de féminicides en pleine explosion ?
Faire évoluer l’appareil législatif est essentiel, vital même, mais il n’est pas tout. Qu’en est-il de l’éducation ? Éducation des filles qui doivent apprendre que dire non n’est pas une honte, que leur corps leur appartient ? Éducation des garçons qui, pour beaucoup encore, ne comprennent pas ce « non » ? Quid du rôle des parents, des enseignants ?
Le militantisme actuel doit absolument s’enraciner dans les actions passées, objets de transmission et de partage. Il existe un patrimoine féministe, inscrit dans notre histoire sociale. Gisèle Halimi en fait partie. Il convient de s’en souvenir mais également de comprendre le sens de son action, la logique de sa stratégie, pour être dans l’efficacité sur le long terme, avoir une vision dans le futur.
Et plus si affinités :
https://www.france.tv/documentaires/societe/9241-le-proces-du-viol.html