Pour sa cinquième création, la compagnie Burn Out dirigée par Jann Gallois, réunit cinq interprètes. Chacune des précédentes pièces de la chorégraphe était l’occasion de construire le travail et son écriture chorégraphique à partir d’une contrainte. Quintette s’appuie elle, sur la possibilité de s’unir et de se désunir.
Les danseurs usent ainsi pendant près d’une heure, de nombreuses matières physiques pour trouver le lien, le distordre, le rompre, le construire. A la manière d’une mathématicienne, Jann Gallois ( elle collabore avec Bruno Riche, un professeur de mathématiques) « utilise l’évolution cyclique des fonctions trigonométriques comme outil de composition chorégraphique ». Riche d’une formation musicale, son écriture artistique est aussi fortement teintée des principes de composition du « phasing » (déphasage), mis en œuvre notamment dans les années 60 par les auteurs de la musique répétitive Steve Reich et Terry Riley.
Sur un plateau nu, le quintette est en place. Enfin pas tout à fait. Les danseurs se déplacent légèrement. Ils cherchent leur place, indiquent aux autres la leur. Après quelques grimaces agacées, des mots largement teintés d’énervement surgissent. Un règlement de compte se joue. Les corps se tendent, les mots volent, les esprits s’échauffent. Quintette commence donc par cette petite mise en mots théâtrale des corps. Cette scène d’ouverture jouant au début sur de légers déplacements des corps, et des visages s’animant d’agacements, semblait être une première proposition de désunion intéressante. Malheureusement le jeu ou plutôt le sur-jeu qui s’en suit ne fait pas évoluer cette dernière et l’effet recherché tombe à l’eau.
Mais Quintette ne se résume pas et loin de là à cette première scène. Les qualités de ce spectacle se trouvent ailleurs, dans une matière corporelle riche, explorée avec un facétieux engouement. Jann Gallois est une chercheuse, appréciant sans nul doute le travail. Une laborieuse. Le corps est son affaire. Elle crée ainsi les occasions que s’expriment sous différentes formes, unions et désunions. Qu’ils cherchent le vertige, la chute, le déséquilibre, qu’ils s’échappent, se frôlent, s’évitent, se rencontrent, se touchent, qu’ils se redressent ou au contraire s’écroulent, les corps sont dans un mouvement permanent de vie.
D’une gestuelle saccadée, précise, faite d’aller-retour au début du spectacle, à une fluidité et souplesse incroyables au sol dans la pénombre – magnifique séquence où les corps voyagent tête en bas jambes en l’air – ce quintette joue avec les couleurs. Présent au plateau pendant tout le spectacle, il s’empare de l’écriture chorégraphique de Jann Gallois avec beaucoup de fougue et d’entrain. La gestuelle de la jeune chorégraphe est teintée d’une énergie folle, n’oubliant jamais le jeu et témoignant sans cesse de la multiplicité des matières créées par le corps. pour peu que celui-ci y soit conduit bien entendu.
Jann Gallois réussit cette belle chose, que seule la danse peut offrir, ressentir physiquement une matière, la chair, les os, les muscles, la gravité… tout ce qui permet au corps de faire ce qu’il fait, et de trouver des états qui racontent au-delà des mots. D’où la fragilité de cette scène au tout début du spectacle. Les corps sont bien plus puissants que les mots, lorsqu’ils sont ainsi mis en mouvements.La jeune chorégraphe nous entraîne avec Quintette dans un tourbillon de sensations qui nous incite à la suivre dans ses pérégrinations dansées.
Et plus si affinités
https://www.cieburnout.com/fr/creations/quintette
http://atelierdeparis.org/fr/jann-gallois/quintette