Le sujet a fait couler beaucoup d’encre, mobilisé des kilomètres de pellicule. Etudes, romans, films, documentaires, expositions, musées dédiés, le volume d’informations est considérable. Pourtant, il reste tant à dire sur la Révolution française. Ainsi le docu-fiction Révolution !
Le point de vue du petit peuple parisien
Composé de deux épisodes « Entre peur et espérance (1789 – 1791) » et « De l’ardeur à l’effroi (1792 – 1795) », le docu-fiction de Hugues Nancy a la particularité de nous faire vivre ces six années du point de vue du petit peuple parisien. Sa caméra se pose dans les rues du quartier Saint Marcel, non loin de la manufacture des Gobelins, l’actuel 13ᵉ arrondissement. Plusieurs habitants témoignent de leur quotidien, qui l’artisan, qui le brasseur, qui la lavandière, qui le curé…
Ces sans-culottes racontent leurs dures conditions de vie, leur colère, la manière dont ils participent aux différents moments clés de la Révolution, émeutes de la fabrique Reveillon, prise de la Bastille, déclaration des droits de l’homme, création de la Commune de Paris, massacres de Septembre, tandis que de grands révolutionnaires comme Marat, Desmoulins, Danton ou Robespierre témoignent des grands changements opérés au niveau légal et social.
Des siècles d’injustice sociale
Pour éclairer l’ensemble, des gravures, des archives, des plans de Paris et les commentaires du narrateur omniscient Philippe Torreton. Le tout met en évidence l’éducation populaire de petites gens qui agissent pour reprendre leur vie en main, participer aux décisions, se battent pour défendre leurs acquis, même s’ils doivent y laisser la vie. C’est une dure leçon de démocratie participative que nous apprenons là, en contemplant nos aïeuls.
Nous les découvrons aux prises avec une situation qui va leur échapper progressivement. Le dialogue, l’échange, les décisions en commun vont petit à petit laisser place à la violence. L’élément clé de ce récit demeure cette colère absolument incontrôlable après des siècles d’injustice sociale : si le récit mis en forme par Nancy émet certains points, en synthétise d’autres, l’ensemble donne à voir un ras-le-bol général, le refus de subir, la volonté de devenir décideur.
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Rien n’a vraiment évolué
Comment ne pas faire le parallèle avec ces dernières années, la décomposition du tissu social, les gilets jaunes, la participation au débat public même par réseaux sociaux interposés ? Le regard porté sur ces personnages est justement inspiré des reportages comme ceux de Brut. Il va forcément interpeller des spectateurs jeunes qui vont se retrouver dans ce mode narratif. Et qui sait, y trouver de l’inspiration, le désir d’en savoir plus ?
Il semble en tout cas évident, en visionnant ces images, que rien n’a vraiment évolué. Les privilèges sont toujours là, l’exploitation de la majorité par un groupe dominant avide et convaincu de sa supériorité est encore la norme. Jusqu’à ce que ça explose, comme ce fut le cas en 1789. Que se passera-t-il alors ? La question, en regardant Révolution ! n’est pas de savoir si ça arrivera mais quand.