Si Rock en Seine 2013 fut l’occasion d’une vague dark évoquée dans un article précédent, elle a également constitué une déferlante britannique indéniable. Dans les startingblocks, Franz Ferdinand bien sûr, The Pastels, The Computers, Is tropical, … et Johnny Marr, venu comme d’autres, chanter son album solo The Messenger sorti en février 2013 devant les fans parisiens.
Des mélodies qui vous retournent l’épiderme tout entier
Ah ! Johnny Marr, portant dans les cordes de sa guitare l’esprit légendaire de feu The Smiths. Je le croise en espace presse alors qu’il répond aux questions des radios présentes sur site, expliquant que justement sa vie n’est pas circonscrite aux sept années passées avec Morrissey à tisser ce son inimitable, cette identité indéfinissable mais si marquante devenue l’emblème d’Albion à l’ère Tatcher.
Coupe fin 60’s, Tshirt à rayures, veste bleu pétrole en velours, c’est un éternel ado au visage à peine marqué qui raconte son parcours, en essayant sans succès de se démarquer du mythe. Et qui débarque une heure plus tard sur la scène Industrie devant un parterre de quadras nostalgiques qui écraseront leur larme en écoutant « Stop me if you’ve heard this », « How soon is now », « Big Mouth Strikes again » soustraits certes de leur charismatique interprète Morrissey, mais pour mettre en valeur des mélodies qui vous retournent les tripes, le cœur, la tête, l’épiderme tout entier.
La prise de conscience d’une maturation
Car il faut l’admettre, si Marr n’est pas un grand chanteur, par contre ce type sent la musique, elle lui sort des doigts, et étrangement son set ici s’en trouve allégé, avec des compos comme « New town Velocity » qui vivifient le répertoire. On reconnaît la patte musicale de The Smiths, mais on comprend que cette lourdeur existentielle qui l’a enracinée dans le cœur de millions d’ados torturés (toute ma génération et les gosses que nous avons faits du reste, nourris à cette mamelle musicale pour le moins prolixe et déstabilisante à la fois mais si juste) ne repose pas que sur une voix.
Aucune émasculation dans cette absence de Morrissey, mais la prise de conscience d’une maturation, d’une intégration à l’Histoire : la musique a suivi ses auditeurs du moment tout en gagnant ses galons d’universalité. Elle s’est patinée comme un meuble précieux auquel on tient comme un patrimoine qu’on lèguera le moment venu à ses enfants.
Et en regardant le guitariste jouer avec un flegme tout britannique teinté d’un plaisir réel et détaché d’artiste surdoué, je vois soudain se dessiner l’allure des Gallagher Bros et de tant d’autres musiciens rock de la nouvelle vague : en cet instant où la silhouette de Liam semble se superposer à celle de Johnny Marr, je comprends à quel point ce mec constitue la source vitale des Oasis, Blur et consort. Plus qu’une référence, un parrain ?