Pas pour rien que la couverture du thriller 60 kilos se compose des couleurs du drapeau espagnol. Noir – Jaune – Rouge : pour illustrer l’esprit du polar à l’ibérique, les éditions Prisma ont tapé fort en choisissant ce roman signé d’une main vigoureuse et peu amène par un auteur très inspiré dans son évocation d’une pègre violente et passionnée.
Une aisance verbale qui frôle le burlesque
En gros et pour faire court, le point névralgique de l’intrigue réside dans ces 60 kilos de coke pure répartis en deux valises, qu’un passeur a la bonne idée de dérober un jour après des années de bons et plus ou moins loyaux services auprès d’un ponte de la mafia locale. À partir de là, réactions en chaîne (c’est le cas de le dire, vu que nous allons plonger tête la première dans les milieux SM avant d’aller nous balader dans la légion puis le monde gitan) pour toute une galerie de personnages absolument épouvantables de bassesse et de destruction.
Bref ça baise, ça complote, ça jure, ça cogne et ça bute à tout-va, avec une aisance verbale qui frôle le burlesque sur certaines répliques et la caricature sur plusieurs descriptions. Ou quand Almodovar réécrit Thierry Jonquet ? Il y a de ça, franchement, avec une délectation tauromachique dans les mises à mort, foudroyantes et spectaculaires, et une pénétration sans pitié dans les méandres psychiques des sujets, avec en arrière-plan l’absence totale de la gent policière, ici balayée du paysage dans cet univers de compromission et de pots-de-vin.
Dans le bain dès les premières lignes
Eh oui, c’est qu’en Espagne, ponton de circulation du trafic de came, les flics n’arrivent à saisir que 8% de la marchandise. On frémit… et on comprend mieux pourquoi en lisant ces pages. Surtout quand on découvre le milieu gitan, que Palomar évoque avec maestria et une perception juste et angoissante. Et ne croyez pas que cela ailleurs crescendo ; les premières lignes nous mettent directement dans le bain et c’est pas vraiment agréable :
– Bon, revenons à nos moutons ! Le cadavre se trouve dans un entrepôt, une sorte de hangar industriel, dans un de ces congélateurs que les familles nombreuses utilisent pour y stocker leurs pizzas, leurs glaces ou ce qu’ils ont à coller dedans, et j’ai besoin de deux mecs avec des couilles pour le sortir de là, l’ouvrir, mettre les mains dans cette pizza géante archicongelée et m’apporter ces sachets qui contiennent de la coke pur jus qui vous explose la tête même si on la coupe à cinquante pour cent pour la reconditionner. Et j’ai pensé à vous…
Bon, maintenant que vous êtes un peu plus affranchis, il ne me reste qu’à vous souhaiter une bonne lecture !
Et plus si affinités