California Girls – Simon Liberati : de l’autre côté du couteau…

1969 : l’année des ruptures. Balayés l’esprit du Flower Power, la légèreté des 60’s, l’illusion de la philosophie hippie… Altamont marque un tournant dans la grande émergence du rock, Los Angeles, grande Mecque du cinéma, accouche du Nouvel Hollywood, Sharon Tate, ses amis, le couple LaBianca baignent dans leur sang, enterrant ce climat de douce félicité déjà bien rongé par l’atmosphère mortifère de la guerre du Vietnam. Symbole de cette décadence, la famille que Charles Mason guide avec bienveillance et brutalité vers le meurtre et l’horreur.

Les entrailles d’un massacre

Le sujet a fait couler beaucoup d’encre, inspiré bien des films. Tandis que Tarantino réécrit l’Histoire avec le jubilatoire Once upon a time in Hollywood, Simon Liberati tente d’en cerner les contours dans le roman California Girls, plongeant profond dans les entrailles du massacre et de la psyché de ses auteurs. Des filles en majorité, jeunes, rebelles, paumées, sales, prostituées, camées, instrumentalisées, endoctrinées… manipulées par un Charles Manson sans scrupules, raté en manque de pouvoir qui se rassure sur son hypothétique omnipotence en manipulant les esprits faibles.

Suppliciés et bourreaux

Face à ces furies décérébrées, d’autres spécimens de filles américaines, purs produits d’une société de consommation au bord du déclin, mais qui ne le sait pas encore. Des victimes du hasard, mises en pièce dans une orgie de chair et de sang que l’auteur décrit avec un luxe de détails presque chirurgicaux où se mêle une fascination terrifiée pour ces journées démentes qui enterrent à leur manière l’éclat des Trente Glorieuses. Et en filigrane une question : qui, des suppliciés ou des bourreaux, est le plus à plaindre ? S’appuyant sur une connaissance pointue des faits, Liberati déroule un dialogue de mort dont les protagonistes sont finalement gémellaires.

Exorcisme rédactionnel

Le lecteur ne peut que se demander si, avec moins de succès et de chance, Sharon Tate n’aurait pas pu se retrouver de l’autre côté du couteau. Comment ces adolescentes, certaines au passé chaotique, d’autres issues de bonne famille, ont-elles pu sombrer dans semblable barbarie ? Sans que personne ne sente arriver la catastrophe ? Sans qu’aucune ne réagisse, ne dise non ? Peut-être était-ce la période qui voulait ça, dont on respire l’air chargé d’encens, de drogue et d’effluves corporelles à chaque page de ce texte éclair sans pitié, abordé comme un exorcisme rédactionnel. Avec en toile de fond la Californie des 60’s finissantes, dans ce qu’elles avaient de plus magnétique et de plus odieux.

Et plus si affinités

Delphine Neimon

Posted by Delphine Neimon

Fondatrice, directrice, rédactrice en chef et rédactrice sur le webmagazine The ARTchemists, Delphine Neimon est par ailleurs rédactrice professionnelle, consultante et formatrice en communication. Son dada : créer des blogs professionnels. Sur The ARTchemists, outre l'administratif et la gestion du quotidien, elle s'occupe de politique, de société, de théâtre.

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